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Belgique des modèles justement admirés. Malgré ses doctrines idéalistes, il a pris conseil de MM. Pérignon et Winterhalter. C’est à eux qu’il a demandé l’art de peindre les étoiles et d’éblouir les yeux sans parler à l’intelligence. Moins habile que ses maîtres, qui ne comptent pas parmi les plus habiles, il a pourtant réussi, au témoignage de son biographe, et le succès lui a tourné la tête. Enivré d’éloges, il a cru que sa renommée défiait tout contrôle.

J’ai eu sous les yeux un portrait de la reine Isabelle gravé très délicatement par M. Martinez d’après un dessin de don Federico. Le burin n’a pas réussi à dissimuler la gaucherie du crayon. Ce que je blâmais en 1855 dans le portrait de la comtesse de Vilches, je le retrouve dans le portrait gravé de la reine : les bras ne sont pas en perspective. Je ne sais pas si M. Dauzats en est content, mais à coup sûr M. Ingres n’en serait pas satisfait. Ce n’est pas là un ouvrage imaginaire sans doute. La gravure de M. Martinez est à Paris, et quoi- qu’elle me plaise mieux que toutes les œuvres de don Federico envoyées l’année dernière à l’exposition universelle, elle ne change rien à mon opinion, car si le burin me paraît habile, le crayon est demeuré maladroit. Les doctrines idéalistes ne sauraient excuser la manière invraisemblable dont les bras sont rendus. Et pourtant M. Ochoa nous assure que son beau-frère, après avoir tâtonné malgré les présages miraculeux de son baptême, après avoir essayé deux styles, possède maintenant un style magistral, et comptera parmi les noms les plus glorieux de son pays. Je n’ai pas la prétention de deviner le jugement de la postérité; cependant je crois que Godefroid de bouillon à Jérusalem et le portrait de la reine Isabelle gravé par M. Martinez, que j’ai vu, et dont je parle aujourd’hui parce que je l’ai vu, ne sont pas des titres sérieux à l’admiration des générations futures.

Don Federico n’a rien négligé pour conquérir la popularité. A l’époque même où il s’abandonnait à toute l’ardeur de la polémique, il lithographiait pour ses lecteurs tous les hommes qui jouissaient en Espagne de quelque crédit, poètes, peintres, sculpteurs, hommes d’état. Le calcul n’était pas maladroit. Malheureusement don Federico n’était connu en France que par son tableau de la galerie de Versailles, et ce n’était pas une recommandation suffisante pour imposer silence à la discussion. Nous avons parlé de lui aussi librement que de son maître Winterhalter. Le portrait de l’impératrice, entourée de ses dames d’honneur, nous a paru mériter un blâme sévère, et nous n’avons pas hésité à dire franchement ce que nous en pensions. Est-ce que don Federico, élève de M. Winterhalter, serait inviolable? est-ce qu’il serait défendu de parler en termes clairs et précis d’un peintre parvenu à sa troisième manière? De