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Page:Revue des Deux Mondes - 1856 - tome 4.djvu/680

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par la force des circonstances à son point de départ, et à ce premier instant les vues des esprits libéraux ne dépassaient point la pratique sincère d’un système constitutionnel sensé, régulier et préservateur. C’est parce que les partis extrêmes ont voulu tout détruire, pour tout recomposer selon leurs idées, qu’ils ont conduit l’Espagne à l’anarchie. Maintenant le ministère actuel suffira-t-il à la tâche qu’il vient d’assumer ? On sait comment il se compose ; il appartient en majorité aux idées conservatrices. Quelques-uns des ministres sont des hommes de talent, et de ce nombre est le ministre d’état, M. Pastor Diaz, qui est un des écrivains éminens de la Péninsule, et qui représentait récemment la reine Isabelle à Turin. Par le fait, deux hommes personnifient la pensée politique du cabinet actuel de Madrid, le général O’Donnell et le ministre de l’intérieur, M. Rios-Rosas.

Le comte de Lucena est l’homme d’action dans le gouvernement ; M. Rios-Rosas est l’administrateur, l’organisateur politique et civil. Le nouveau ministre de l’intérieur est surtout un homme d’une intégrité reconnue et d’une indomptable énergie. M. Antonio de los Rios y Rosas est jeune encore ; il a quarante-quatre ans. Il est né en Andalousie, à Ronda, dans ce pays à demi mauresque, et il a conservé quelque chose d’africain. Il entrait dans la vie publique lors de l’inauguration du régime constitutionnel, à l’avénement de la reine Isabelle, et depuis cette époque il n’a cessé de marquer soit comme avocat, soit comme homme politique. Il a toujours professé les idées conservatrices. Dès 1837, il était nommé député aux cortès. Après la défaite de son parti, en 1840, il prenait part à la rédaction des principaux journaux modérés avec MM. Pastor Diaz et Pacheco. À dater de 1845, M. Rios-Rosas devenait un des principaux membres du parti conservateur ; il entrait au conseil d’état lors de l’organisation de ce corps, et il était destitué en 1848, parce que dès cette époque il se rangeait dans ce qu’on a appelé l’opposition modérée. Il y a deux ans, on peut s’en souvenir, il figurait dans ce ministère que présidait le duc de Rivas, et qui dura quarante heures, entre la chute du cabinet du comte de San-Luis et le triomphe définitif de la révolution de 1854. Les discours que M. Rios-Rosas a eu l’occasion de prononcer dans les législatures dont il a fait partie sont nombreux ; ils sont tous remarquables par la vigueur et l’élévation du talent autant que par la fermeté des principes. Le nouveau ministre de l’intérieur de Madrid a plus d’une fois intimidé ses adversaires des partis extrêmes dans les cortès actuelles, où il n’a cessé de lutter contre l’esprit révolutionnaire. Dans toutes les circonstances, malheureusement assez nombreuses, que lui offrait la discussion des lois organiques et de la constitution, il a constamment cherché à faire prévaloir les garanties conservatrices. La présence de M. Rios-Rosas dans le conseil est évidemment une preuve que le gouvernement est décidé à raffermir sur des bases solides l’ordre politique.

Quelles seront les conditions de ce rétablissement de l’ordre moral et politique ? Le cabinet de Midrid semble avoir ajourné toute décision sur ces points essentiels Jusqu’à l’entière pacification matérielle de l’Espagne ; mais dès ce moment il est possible de pressentir quelques-unes des questions qui s’élèveront naturellement. Ainsi il est infiniment probable que l’assemblée actuelle cessera d’exister, et que de nouvelles cortès seront réunies. Quel-