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discussion est acceptable sur ce terrain ; il faut alors commencer par admettre également toutes les églises, en les regardant comme de pures formes qu’on peut adopter on repousser selon son intelligence ou sa conscience. Si c’était là ce que pense M. Conybeare, il ne parlerait pas autrement que le docteur Channing ou les unitaires les plus éclairés ; mais, en y regardant de près, on voit que l’écrivain repousse tant de choses, qu’il ne parle plus au nom du Christ, mais au nom d’une doctrine particulière. Ainsi il repousse assez nettement le puséysme et le mouvement semi-catholique de la haute église ; il repousse le mouvement évangélique de la basse église et les prédilections de certains membres de ce parti pour le judaïsme et le peuple juif. Il n’y a qu’un mot sur les unitaires, et il est assez dur. Les catholiques et les dissidens calvinistes n’y sont pas mis en scène, mais il est facile devoir que si l’auteur repousse comme dangereuses d’une part les tendances puséystes, de l’autre les tendances puritaines des deux fractions de l’église, il doit repousser à plus forte raison le catholicisme et le calvinisme. Voilà bien des doctrines exclues, et non-seulement exclues, mais regardées comme des sources d’incrédulité et de doute. Ce n’est donc pas précisément au nom du Christ que parle l’auteur, c’est bel et bien au nom de l’église anglicane, au nom de l’église telle qu’elle existait avant les déchiremens contemporains, et l’épithète de hard church, — l’église opiniâtre, — est donc méritée, en dépit de je ne sais quelle superficielle tolérance et de quelle apparente comprehension, qui font à chaque instant de ce livre un véritable piège. L’auteur a dépensé un esprit infini pour rester sur ce terrain indéterminé de la foi au Christ, et pour se dispenser de formuler son credo anglican.

M. Conybeare cherche à montrer les causes et les conséquences de l’incrédulité. Il distingue trois espèces d’incrédules : ceux qui sont tels par dépravation naturelle et par désir de s’affranchir des lois morales, ceux que le spectacle de l’hypocrisie et de l’égoïsme des prétendus chrétiens a privés de la foi, ceux enfin qui résistent aux preuves historiques et philosophiques de la vérité du christianisme. Les seuls véritables incrédules sont ceux de la dernière catégorie. Quant aux incrédules des deux premières catégories, nous affirmons à l’auteur qu’ils n’existent pas ou à peu près. Le spectacle de l’hypocrisie ou de l’égoïsme des ministres de l’église n’a réellement d’influence que sur les classes populaires, c’est-à-dire sur les esprits qui identifient l’idée avec le corps qu’elle revêt, les institutions avec ceux qui les représentent. Si le scandale devient trop général et s’il se répète trop souvent, si les vices et les mauvaises mœurs du clergé sont visibles à tous les yeux, il n’est pas douteux que les classes populaires s’éloigneront bientôt de l’église et deviendront parfaitement