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Page:Revue des Deux Mondes - 1856 - tome 4.djvu/737

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politiques de l’Angleterre, l’église anglicane eut cessé d’être une institution défensive pour ainsi dire ; lorsque, entourée d’églises reconnues libres par la loi, elle eut perdu sa véritable suprématie et son pouvoir d’exclusion et d’intolérance ; lorsqu’elle fut contrainte de vivre dans son statu quo théologique, alors on aperçut le vrai caractère de cette église et le fondement sur lequel elle repose, et qui n’est autre qu’un compromis entre l’église de Rome et les églises dissidentes. Cependant on trouva pour ce fait une explication à la Montesquieu et à la Delolme : on expliqua l’église anglicane comme on explique la constitution anglaise, par la sagesse des compromis, la pondération des pouvoirs, etc. Malheureusement les hommes sont plus sincères souvent que leurs avocats, et le clergé d’Angleterre l’a été souvent plus que ses défenseurs. Avec beaucoup de sincérité, il s’est mis de nos jours à examiner le fondement de sa croyance, et alors l’anarchie s’est mise dans ses rangs, et l’église anglicane est devenue un asile d’hétérodoxies de tout genre : demi-retours et retours complets vers Rome, haine des papistes et amour des juifs, batailles entre le parti de la prédication évangélique et le parti ultra-high churchman, essais de comprehension généreuse entre les doctrines philosophiques les plus modernes et l’Évangile interprété selon le credo anglican, nous avons vu éclore dans ces dernières années toutes ces tentatives. Les deux partis qui jusqu’alors avaient divisé l’église sans l’affaiblir, et qui représentaient les deux côtés du compromis, les high churchmen, expression de l’élément catholique et de la hiérarchie épiscopale, et les low churchmen, expression de l’élément puritain et évangélique, se sont brisés en mille petites sectes, si bien qu’on chercherait vainement aujourd’hui où est, au milieu de cette anarchie, l’expression du véritable anglicanisme.

En dépit des insinuations peu charitables que l’auteur de Perversion dirige contre les membres extrêmes du clergé anglican, cette confusion est bien saisie et vivement rendue. L’auteur possède non à la vérité le don de peindre, mais celui d’esquisser, et il prodigue avec abondance les ombres chinoises, les profils, les silhouettes, les charges rapides. Une demi-douzaine de personnages composent sa galerie ecclésiastique. C’est une compagnie très anarchique, où chacun se présente avec une manière particulière de prononcer le shibboleth anglican, où personne n’est d’accord sur le principe constitutif de l’église, où quelques-uns même se posent la question de savoir si l’église d’Angleterre est, oui ou non, une véritable église. M. Moony, le représentant du parti évangélique, use et abuse de la prédication et lui attribue des vertus toutes spéciales : elle en a en effet pour sa renommée et sa fortune, elle attire des flots d’auditeurs à ses sermons vides de sens et de morale. M. Moony supplée à