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Page:Revue des Deux Mondes - 1856 - tome 4.djvu/79

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succéderont. La larve se fixe et se transforme en une sorte de bourgeon cylindrique. La tigelle du rosier : s’allonge, terminée également par un bourgeon. Jusqu’à ce moment, le polypier, comme la plante, s’est développé à peu près exclusivement, aux dépens de matériaux fournis par le vitellus, de l’œuf, par les cotylédons de la graine ; mais du bourgeon animal sont un polype pourvu de bras pour la chasse et d’un appareil propre à la digestion ; le bourgeon végétal devient un rameau garni de feuilles. Dans les deux règnes, les individus, qui se montrent d’abord sont uniquement chargés de saisir, de préparer des alimens. Grâce à eux, la colonie s’étend ; de nouveaux bourgeons apparaissent et se développent, mais longtemps encore ils ne produisent que des individus nourriciers. Fonder et étendre la communauté, assurer son existence, tel est évidemment le plus pressant besoin, et les premiers habitans de ces cités animales ou végétales n’ont pas d’autres fonctions à remplir.

L’existence propre du polypier, de l’arbrisseau une fois assurée, il s’agit de pourvoir à leur reproduction. Alors apparaissent les individus reproducteurs, polypes mâles ou femelles, parfois l’un et l’autre à la fois ; fleurs portant étamines ou pistils, très souvent l’un et l’autre. Les premiers produisent et fécondent des œufs ; les secondes produisent et fécondent des graines. Dans les deux règnes, tout est semblable. Le polype à sexes distincts est une fleur animale ; la fleur est un polype végétal sexué.

Dans l’arbuste, dans le polypier, les individus produits successivement restent unis par une partie commune ; mais il est facile de comprendre que, vinssent-ils à se séparer, il n’y aurait rien de changé au fond des choses. Or c’est précisément ce qui arrive dans certains cas, chez les pucerons par exemple, et les figures de M. Owen traduisent pour l’œil lui-même ce que nous exprimons seulement par des mots. De l’œuf pondu en automne sort au printemps un puceron neutre qui produit par gemmation d’autres individus semblables à lui, et qui pendant plusieurs générations se conduisent de même. Si tous ces descendans d’un même germe adhéraient les uns aux autres, nous aurions un vrai polypier. Pour s’isoler dès leur naissance, ils ne changent rien à leurs rapports de filiation. Voilà ce que M. Steenstrup a eu raison de soupçonner, ce que M. Owen a très nettement démontré. Les pucerons neutres répondent aux polypes nourriciers de la coryne, aux rameaux stériles du rosier ; les pucerons mâles et femelles représentent les polypes reproducteurs du polypier, les fleurs du rosier. Au point de vue où nous sommes placé, eux aussi peuvent être appelés des fleurs animales.

Parmi les faits généraux qui se rattachent à l’ordre d’idées qui nous occupe, il en est un sur lequel nous avons maintes fois insisté