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Page:Revue des Deux Mondes - 1856 - tome 4.djvu/862

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cependant il restait subordonné parce que, de même que le bureau de la constituante, il était privé de la faculté de rendre des décisions souveraines : celles-ci étaient réservées au pouvoir législatif. Sous le consulat, l’article 89 de la constitution créa ou plutôt conserva la commission de comptabilité ; mais l’acte qui l’organisa, et qui fut un simple arrêté consulaire[1], amoindrit ses pouvoirs effectifs, quoiqu’il lui donnât une arme redoutable avec laquelle il eût été rigoureusement possible à de bons citoyens de rendre des services : la publicité de ses rapports était ordonnée. Toutefois la méthode arriérée de comptabilité qui resta en honneur jusqu’à ce que M. Mollien eût le portefeuille du trésor rendait extrêmement difficile, et dans tous les cas fort lent, l’examen approfondi de la gestion des comptables. Avec la comptabilité nouvelle, dont l’adoption définitive n’était pas douteuse pour M. Mollien, malgré l’hésitation qu’y apportait l’empereur, il devenait opportun d’instituer un corps judiciaire chargé de l’apuration des comptes, et l’empereur lui-même, peu après sa rentrée à Paris dans l’été de 1807, se souvenant de conversations antérieures, dit un jour à son ministre du trésor : « Il nous manque, dans l’intérêt des contribuables, une institution analogue à ce qu’étaient autrefois les chambres des comptes, qui avaient le droit de poursuivre d’office les abus dont la connaissance leur parvenait. Aujourd’hui l’empereur, relégué au fond de son palais, ne peut savoir que ce qu’on veut bien lui dire. Le bureau établi depuis la révolution pour régler toutes les comptabilités publiques ne remplit pas mes vues… Personne n’a la mission d’avertir l’empereur des choses qu’il importerait le plus qu’il connût. » Ayant déjà sur ce chapitre les idées de M. Mollien, il chargea M. Gaudin de lui présenter un projet, en insistant sur ce que l’organisation de la nouvelle cour fût telle que les abus reconnus par elle pussent remonter jusqu’à sa personne[2]. De là sortit la loi du 26 septembre 1807, qui a créé la cour des comptes. À cause de l’insistance que M. Mollien avait mise à recommander cette création à l’empereur dans ses entretiens et dans sa correspondance, il est juste de lui en attribuer le principal honneur.

Différente en cela du bureau et de la commission de comptabilité, la cour des comptes fut un tribunal souverain. Elle put, lorsque les comptables seraient en retard dans la production de leurs comptes, les condamner aux peines portées par les lois spéciales et les règlemens particuliers sur la matière. Dans le cas d’un débet, elle put les obliger à s’acquitter dans le délai prescrit par la loi. Les crimes de faux et de concussion restaient de la compétence des tribunaux ordi-

  1. Du 29 frimaire an ix (20 décembre 1800).
  2. Supplément aux Mémoires et Souvenirs de M. Gaudin, duc de Gaëte, page 78.