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pour cette partie de l’empire français une caisse de service spéciale dans la place forte d’Alexandrie. C’est dans la circonscription dévolue à cette caisse qu’on dut procéder provisoirement suivant les deux modes à la fois. En-deçà des Alpes, c’est-à-dire dans la majeure partie de l’empire, les receveurs-généraux eurent la liberté du choix. La plupart cependant adoptèrent dès-lors les nouvelles écritures. Il est vrai que la caisse de service, par la forme des états qu’elle les obligeait à lui fournir, rendait à peu près illusoire la liberté d’option qui leur était laissée. À la fin l’empereur se rendit à l’expérience ; au commencement de 1808, un décret[1] rendit obligatoire la nouvelle méthode.

À l’édifice financier ainsi agrandi et perfectionné par M. Mollien, il manquait un couronnement : il fallait un tribunal qui eût dans sa juridiction les comptables, qui vérifiât et qui maintînt l’observation des formes établies par la loi pour les dépenses publiques, et qui apurât aussi rapidement que possible les comptes des agens du trésor, afin de dégager leur responsabilité. Il s’agissait, en un mot, de créer la cour des comptes.

L’ancienne monarchie avait eu une institution de ce genre, qui remontait pour le moins à Philippe le Bel, mais qui avait été viciée et réduite à l’impuissance depuis que le régime représentatif avait été détruit complètement par la suppression des états-généraux. Au lieu d’une chambre unique, on en avait eu un grand nombre, chacune avec sa circonscription, mais ayant toutes ensemble fort peu de pouvoir pour le bien des finances. Elles pouvaient condamner les comptables coupables de détournement ou de concussion à toutes les peines portées par les impitoyables lois pénales de l’époque, elles avaient même acquis des attributions sans rapport avec l’objet pour lequel on les avait créées[2] ; mais pour leur principale fonction, la surveillance de la régularité des comptes, leur juridiction était devenue dérisoire. Les chambres des comptes étaient donc décréditées en 1789, et l’assemblée constituante les abolit ; mais en même temps elle érigea une institution destinée à les remplacer avec avantage, qu’elle nomma le bureau de comptabilité. Sous le directoire, cette création fut maintenue avec le titre de commission de comptabilité : le corps ainsi dénommé semblait avoir des pouvoirs fort étendus ;

  1. Ce décret est du 4 janvier.
  2. « Telles étaient les lettres de légitimation et de naturalité, les lettres de noblesse, les aubains, apanages, douaires, contrats de mariage des enfans de France, les échanges, les anoblissemens, les lettres de francs-fiefs, les bourgeoisies et les amortissemens, et spécialement les dons, les lettres de grâce honorifiques et utiles. La chambre des comptes connaissait, communément avec le parlement, de certaines matières des domaines, de la liquidation des droits féodaux. Elle avait sur les comptables une juridiction criminelle, et cette juridiction n’avait qu’une seule limite, la torture. » (Dictionnaire d’Administration, article de M. A. Blanche sur la Cour des Comptes.)