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Page:Revue des Deux Mondes - 1856 - tome 4.djvu/866

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documens dont il emplissait son portefeuille, quelque développés qu’ils fussent, présentaient des résultats composés, et Napoléon, chez qui l’esprit d’analyse n’avait pour ainsi dire pas de limites, le forçait à descendre de détail en détail. S’il s’agissait de la solde, pour laquelle M. Mollien avait des états par armée ou par division, Napoléon demandait ce qui avait été payé pour chaque régiment, pour chaque détachement. S’il était question de l’enregistrement ou du timbre, Napoléon voulait connaître pour quelle somme avaient contribué tel département, telle ville. Une des difficultés qu’éprouva M. Mollien dans cette circonstance vint de ce qu’il avait tellement amélioré la comptabilité du trésor public, que ses comptes étaient constamment à jour, tandis que chez les ministres ordonnateurs ils étaient en arrière de deux mois ou de trois. De là dans les résultats et les chiffres des discordances apparentes qui semblaient le mettre en opposition avec ses collègues, malgré son extrême désir de vivre en bonne harmonie avec eux tous et de ne pas leur susciter d’embarras.

M, Mollien profita de ces entretiens pour décider l’empereur à une mesure qui devait soulager le trésor. Il obtint de lui, pour le service courant du trésor, une forte somme sur le produit des contributions que le vainqueur d’Austerlitz et d’Iéna s’était fait payer ou promettre par l’Autriche et la Prusse terrassées, et dont il avait composé le domaine extraordinaire, dotation réservée à l’armée, qui l’avait acquise de son sang. Pour l’y déterminer, il fallut plusieurs conversations, dont la dernière ne dura pas moins de huit heures. C’était à Fontainebleau, après les conseils tenus avec les ministres à Paris et à Saint-Cloud. Établi dans cette belle résidence. Napoléon y appelait souvent les ministres, et surtout celui du trésor, car le souci des finances ne le quittait jamais. M. Mollien profita de l’abandon avec lequel un jour l’empereur se félicitait d’avoir affranchi le trésor de l’intervention des faiseurs de service pour lui représenter que la libération n’était pas complète encore, car en supposant que les recettes dussent être au bout de l’an égales aux dépenses, la perception du revenu ne pouvait s’obtenir intégralement pendant l’année courante. On pouvait estimer à 150 millions la somme à laquelle montait au douzième mois la différence entre la dépense exigible et la recette effectuée. Or, pour que la manœuvre du trésor se fît avec aisance et liberté, il eût été bon au contraire que la recette fût en avant de la dépense. Par les nouveaux rapports que le trésor avait établis avec les receveurs-généraux au moyen de la caisse de service, par les perfectionnemens apportés au recouvrement, par des combinaisons accessoires, on avait réussi à se mettre en avance de 45 millions, en comparaison des temps antérieurs ; mais, pour une somme supérieure, on restait à la discrétion des ca-