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WALKER
AU NICARAGUA


Le Nouveau-Monde a ses héros comme l’ancien. Des deux côtés de l’Atlantique, on se tue glorieusement, mais avec des résultats bien différens. Pendant que quatre ou cinq cent mille hommes se disputaient en Crimée les ruines d’une ville écrasée sous les bombes, cinq cents Américains des États-Unis, sous la conduite de Walker, s’emparaient du Nicaragua, c’est-à-dire d’un pays qui est presque aussi vaste que l’Angleterre et le pays de Galles, et qui sera dans quelques années le centre des communications de la Chine, des îles de la Sonde, de Java, de Bornéo, des îles Sandwwich et de l’Australie avec les États-Unis, le Mexique, la Nouvelle-Grenade, le Brésil et l’Europe. Mais qui se souciait en France, en Allemagne, en Italie, en Russie, de Walker et du Nicaragua ? L’Angleterre seule s’en émut. Dès qu’une nation voisine ou éloignée s’agrandit de quelque côté que ce soit, elle est sûre d’attirer l’attention inquiète du gouvernement anglais. Aucune nation ne parle plus souvent et plus haut de sa philanthropie et de sa tendresse pour tous les autres peuples, et cependant aucune nation peut-être ne rencontre moins de sympathies dans le monde entier. D’où vient ce désaccord apparent ? d’où vient que tant d’ingratitude récompense tant de dévouement ? C’est qu’au milieu de ses protestations libérales, on sent toujours chez la race anglo-saxonne un fonds d’égoïsme et d’avidité qui est un de ses caractères, et qui l’entraîne à exercer une surveillance jalouse d’un bout à l’autre du monde.

Selon les journaux anglais, Walker est un brigand digne de la potence ; ses soldats sont des assassins et des bandits, et les banquiers qui font les frais de l’entreprise, des spéculateurs avides qui trafiquent du sang et de la