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les deux extrémités plongent, l’une à l’ouest dans l’Océan-Pacifique, l’autre à l’est dans la mer des Antilles. Les hautes montagnes qui supportent ce plateau, et qui défendent l’isthme contre le choc de deux océans, s’avancent d’abord en une seule masse des Andes de Panama jusqu’au lac de Nicaragua, où elles s’abaissent pour se relever brusquement au nord du lac, et de leurs ramifications couvrir les états de Nicaragua, de Honduras et de San-Salvador. Entre ces chaînes qui se prolongent au nord-est dans le Yucatan, un grand nombre de rivières peu importantes, mais profondes, et dont le cours est embarrassé par des rapides, arrosent des vallées d’une fertilité extraordinaire. On y trouve en abondance tous les produits des tropiques, le café, le cacao, le sucre, le rocou, l’ananas. Sur les hauteurs, le climat est tempéré et salubre. A 150 pieds environ au-dessus de l’Océan-Pacifique est le grand lac de Nicaragua, qui communique d’un côté avec le lac de Managua, de l’autre avec la mer des Antilles par le Rio-San-Juan, qui est la rivière la plus importante de l’Amérique centrale. Ce pays, doit la superficie est de 16,000 lieues carrées, formait autrefois la confédération du Guatemala, qui se divise aujourd’hui en cinq états indépendans : Guatemala, Honduras, Nicaragua, San-Salvador, Costa-Rica. La côte du Honduras est occupée par une peuplade moitié indienne, moitié noire, les Mosquitos, dont le roi est le vassal et le protégé des Anglais.

Ainsi placés au centre des deux Amériques, au point où doit se faire le canal de jonction des deux mers, il semble que les divers états de l’ancienne confédération guatémalienne, et en particulier le Nicaragua, devraient être les plus riches, les plus prospères et les plus heureuses contrées de la terre. Malheureusement ces républiques ressemblent à toutes celles qui sont sorties des débris de l’ancienne monarchie espagnole : l’anarchie est permanente. Oubliant que l’union la plus étroite, l’industrie, le travail, pouvaient seuls les maintenir contre les attaquas de l’Angleterre et des États-Unis elles se sont fait la guerre entre elles, il ne faut pas s’en étonner. Quelle union pouvait-on attendre de ce mélange de trois races qui se détestent réciproquement? L’Indien caraïbe méprise le nègre, qui le hait, et tous deux haïssent le créole, qui les méprise. Ces trois races n’ont rien de commun qu’une sainte horreur du travail. Les soldats pillent; les moines, qui possèdent déjà la moitié des terres, mendient le produit de l’autre moitié, et donnent par là l’exemple au reste de la population, qui mendie à son tour, alléguant pieusement Jésus-Christ et les saints apôtres.

En ce pays-là, dès qu’un homme sait monter à cheval, son éducation militaire est faite. S’il joint à ce talent quelques piastres et l’art de les dépenser à propos, cinquante ou soixante brigands se réunissent, le prennent pour chef, s’intitulent libéraux, fédéralistes ou unitaires, suivant le lieu et les circonstances, annoncent le projet de délivrer la patrie opprimée, et font un pronunciamiento. Le lendemain, leur chef est dictateur, ou empereur,