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accréditent, s’ils n’autorisent, les accusations portées contre eux. Au milieu des richesses, du luxe et de la licence de Niamtzou, mon esprit se reporta en souvenir vers le couvent des trappistes de Westmale, près d’Anvers, dans cette vaste et triste Campine que ces bons religieux ont fertilisée de leurs sueurs, et où j’avais passé, deux ans auparavant, quelques jours au sein du silence le plus solennel. Là, tout rappelait le renoncement à la vie, les privations, la mort. Le prieur moldave, richement vêtu et assis sur son divan avec une dignité grave, ne me faisait pas oublier le supérieur des trappistes, son costume sévèrement monastique et son visage empreint d’une douce tristesse. À l’éloquente parole du moine grec j’opposai le simple langage du moine catholique, s’excusant de ne me faire que des réponses brèves et embarrassées après tant d’années de silence et de retraite. Au riche couvent de Niamtzou j’opposai encore l’obscure chapelle de Westmale, les tombes qui remplissaient le jardin, et le silence du cloître belge, interrompu seulement à de longs intervalles par des chants religieux.

Après avoir quitté Niamtzou au bruit des cloches, qui furent mises en branle pour me faire honneur, je pris la route de Piatra. Le long des versans septentrionaux des Carpathes et dans les vallées que l’on traverse, on ne voit que des couvens. On rencontre d’abord Agapia dans une situation charmante, arrosée par des filets d’eau qui descendent des collines, et embellie alors par les premiers sourires du printemps. Agapia est un couvent de femmes ou plutôt un véritable béguinage semblable à ceux des Flandres, où chaque nonne a sa petite maison. Là se pratique une hospitalité un peu trop analogue, dit-on, à celle des couvens de femmes de l’Archipel que Tournefort visita en 1700, et dont il nous a laissé une si exacte et si spirituelle description. Je ne séjournai dans le couvent d’Agapia que le temps nécessaire pour y entendre quelques psaumes chantés avec un ensemble assez harmonieux dans une chapelle où les nonnes me conduisirent en me prenant sous le bras. Malgré les gracieuses prévenances de l’abbesse, qui portait avec élégance une canne à pomme d’or, et qui me fit servir par de jeunes religieuses d’excellentes confitures, de l’eau de source et une pipe, je quittai promptement Agapia, et j’allai passer la nuit dans un autre béguinage appelé Varatiko. Le premier de ces établissemens a 120,000 francs de revenu, le second 48,000. Dans ces congrégations, les vœux sont éternels, et beaucoup de jeunes filles y sont traînées par leurs parens, qui les sacrifient à des enfans préférés. Depuis quelques années, des réformes sérieuses ont eu lieu dans ces béguinages ; le gouvernement et le haut clergé moldave y ont également concouru et avec succès.

D’autres couvens, où je m’arrêtai successivement à mon retour en