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de bonnes intentions, et quelques-unes des réformes qu’ils voulaient opérer étaient considérées, nous le répétons, comme urgentes et indispensables par les honnêtes gens ; mais les membres du gouvernement provisoire en Valachie devaient se briser contre des écueils que les plus sages d’entre eux avaient sans doute vus du premier coup d’œil. Il était en effet évident que la Russie, inquiète de la tournure des événemens qui se passaient à l’occident de l’Europe et de l’insurrection qui avait éclaté en Hongrie, ne laisserait pas une révolution qui avait pris celle de février pour modèle, et qui répandait parmi les populations roumaines et à ses portes mêmes des idées subversives, se développer à son aise sans chercher à l’étouffer.

Nous croyons avoir fait connaître le véritable rôle joué par la Russie dans les principautés jusqu’en 1848, et n’avoir pas manqué à l’impartialité en disant qu’elle trouvait son profit à y entretenir l’agitation, le désordre des intelligences et la confusion qui en étaient l’inévitable conséquence, à se servir de son influence à Yassy et à Bucharest pour soulever les populations chrétiennes de la Turquie d’Europe. L’arme dangereuse employée par la Russie s’était néanmoins retournée contre ceux mêmes qui croyaient la manier avec une entière sécurité. La révolution valaque dépassa et déconcerta les projets de la cour de Pétersbourg, qui fit immédiatement entrer en Moldavie une partie des troupes qu’elle avait en Bessarabie ; mais les agitations, très légitimes d’ailleurs, des jeunes boyards moldaves venaient d’être étouffées avec promptitude par l’hospodar Michel Stourdza. En conséquence, le général Du Hamel, commissaire impérial rasse, fit marcher les soldats de son maître jusqu’à Fokchani, ville située des deux côtés de la frontière moldo-valaque. Là il reçut de Pétersbourg l’ordre de faire rebrousser chemin à l’armée russe, de faire évacuer la Moldavie et de repasser le Pruth.

Le général Du Hamel était entouré de quelques boyards qui souhaitaient les réformes aussi vivement que les membres du gouvernement révolutionnaire, mais qui voyaient avec terreur ces derniers à la tête de la principauté ; ils supplièrent donc le commissaire russe d’entrer en Valachie, mais ils ne purent le persuader, et l’ordre était donné de se mettre en marche pour la Bessarabie, lorsque le général Du Hamel reçut de Constantinople une lettre de M. Titof, ministre de Russie en Turquie, qui l’engageait vivement à faire entrer les troupes russes en Valachie, l’assurant de l’assentiment de la Porte-Ottomane et prenant sous sa responsabilité vis-à-vis du gouvernement impérial à Pétersbourg la démarche hardie qu’il conseillait. On attribua alors aux actives représentations du cabinet anglais l’ordre venu au général Du Hamel de ne pas entrer en Valachie, et M. Titof eut tout l’honneur d’avoir persuadé au divan qu’il était de son intérêt comme de celui de la Russie que cette dernière puissance intervînt à main