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et elle a consacré ces économies à l’amélioration du sort des ecclésiastiques inférieurs… Elle s’est activement préoccupée de l’éducation du peuple… Si le gouvernement vient à son aide dans cette tâche, elle en aura d’autant plus d’influence, et je m’en féliciterai. Je m’en féliciterai sans scrupule, car il y aura en ceci parfaite égalité ; le gouvernement viendra en aide aux dissidens comme à l’église… Ici s’élève une question qui ne touche ni l’église, ni les dissidens, mais les catholiques romains. Mon avis est qu’aucun système d’éducation publique ne sera complet et satisfaisant, si les catholiques en sont exclus… Vous voulez, vous devez étendre la sphère de vos dons en faveur de l’instruction populaire ; plus cette sphère s’étendra, plus l’exclusion des catholiques deviendra choquante. Le temps est venu, je crois, et je tiens d’autant plus à manifester en ceci mon opinion qu’elle est, je le sais, très impopulaire, le temps est venu de prendre en considération les réclamations des catholiques à ce sujet… Pensez à la population catholique de Liverpool ou de Manchester. Il y a à Manchester un quartier qu’on appelle la ville irlandaise, et qui contient 60 000 ou 70 000 ouvriers, en général laborieux et de bonne conduite ; ils n’ont là point de protecteurs naturels, point de riches manufacturiers de leur croyance. Que devient l’éducation des enfans de ces 70 000 pauvres ? Qui s’en inquiète ? Je ne connais pas de situation plus urgente, non-seulement dans l’intérêt des catholiques eux-mêmes, mais parce qu’il importe infiniment à la grande communauté protestante que cette grande population catholique ne reste pas plongée dans une ignorance qui enfante ces désordres, ces crimes, cette dégradation brutale dont nous sommes tous témoins. »

Quelques mois après, une autre question s’éleva qui mit l’équité libérale de sir Robert Peel en matière de croyances religieuses à une nouvelle épreuve ; le 11 décembre 1847, à l’occasion de l’élection de M. de Rothschild, nommé l’un des quatre représentans de la Cité de Londres, lord John Russell proposa de relever les juifs de l’incapacité politique qui leur interdisait l’entrée du parlement. Sir Robert appuya hautement la motion : « Une première fois, dit-il, et à mon grand regret, j’ai voté silencieusement sur cette question… J’ai besoin de dire aujourd’hui les motifs qui m’amènent à un vote très différent de mes premières impressions, et me placent dans un pénible conflit avec des hommes dont j’ai presque invariablement partagé les sentimens et la conduite. Je ne me souviens pas de m’être jamais trouvé avec eux, à propos d’une question aussi grave, dans un aussi douloureux dissentiment. Je proteste avant tout, pour mon propre compte, contre cette idée que, dans notre capacité de législateurs, la religion est pour nous une question indifférente. Je