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SIR ROBERT PEEL.

sir Robert Peel, et qui reparurent sous ses successeurs, s’ajoutèrent des questions nouvelles auxquelles il s’empressa de prendre part. La première fut celle de l’éducation populaire. Sir Robert, pendant son administration, ne l’avait pas oubliée, et la somme annuellement votée par les chambres, depuis 1833, pour venir en aide aux écoles, avait été portée par ses soins de 30 000 liv. st. d’abord à 40 000, puis à 75 000, puis à 100 000 liv. st. (2 500 000 fr.) ; mais il n’avait pas eu l’occasion de développer à ce sujet ses idées. Lord John Russell la lui fournit, dans la session de 1847, en traitant lui-même de l’éducation populaire avec des détails et une solennité qui annonçaient l’importance que le cabinet whig se proposait d’y attacher. Sir Robert Peel entra vivement dans la question, en homme qui en était depuis longtemps préoccupé, et qui regrettait d’avoir fait si peu pour un si grand intérêt public. « Si nous connaissions, dit-il, dans toute son étendue le mal dont nous parlons, si nous avions sous les yeux le compte de tous les actes de rapine et de violence, de tous les attentats contre la propriété et la vie qui ont pris leur source dans l’ignorance grossière et les habitudes brutales des jeunes générations, si nous savions combien d’âmes immortelles ont comparu, depuis cinquante ans, devant leur créateur et leur juge sans avoir reçu la moindre notion des grandes vérités et des lois morales du christianisme, nous frémirions de notre négligence, et nous nous hâterions de chercher des remèdes à ce déplorable état. » Les remèdes proposés par lord John Russell n’étaient pas encore bien considérables, et son langage avait plus de portée que ses mesures ; mais les principes en étaient sains et pratiques : c’était l’état venant en aide aux efforts soit de l’église, soit des sectes dissidentes, soit des corporations laïques, soit des particuliers en faveur de l’éducation populaire, et apportant partout dans cette grande œuvre sa puissance et sa surveillance, sans gêner nulle part ni la foi religieuse ni le libre développement du zèle volontaire. Sir Robert Peel appuya chaudement les propositions du cabinet. Deux traits surtout sont à remarquer dans son discours, son ferme attachement à l’église anglicane et sa scrupuleuse équité envers les croyances diverses. « Je suis décidé, dit-il, pour une éducation religieuse… Je crois qu’une éducation purement laïque ne conviendrait nullement à notre peuple ; ce serait une demi-éducation, où la partie la plus importante serait négligée… Je ne nie pas que l’église établie ne soit puissante, et je me réjouis qu’elle le soit. Je crois même qu’aujourd’hui sa puissance va croissant, et qu’elle acquiert de plus en plus le respect et l’attachement du peuple. Pourquoi ? Parce qu’elle s’est montrée disposée à accepter d’opportunes et salutaires réformes. Elle a consenti à la réduction des traitemens pour les ecclésiastiques d’un haut rang,