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SIR ROBERT PEEL.

nous… Je ne me suis concerté avec aucun parti ; je ne sais qui soutiendra mes propositions ; rejetez-les si vous voulez, mais faites-en quelque autre : si vous proposez quelque chose de mieux, personne dans cette chambre ne l’appuiera plus cordialement que moi. Je n’ai que deux sentimens, une profonde sympathie pour ce malheureux pays et une profonde conviction qu’un vigoureux effort est indispensable, non-seulement pour l’Irlande, mais pour l’Angleterre elle-même. »

Les propositions de sir Robert Peel portaient sur deux points, l’émigration et l’état de la propriété foncière en Irlande. Quant à l’émigration, l’un de ses jeunes et plus intimes adhérens, lord Lincoln, avait déjà fait, le 1er juin 1847, une motion à ce sujet, demandant que le gouvernement prît des mesures pour déterminer et aider les paysans surabondans et misérables en Irlande à passer dans les colonies anglaises. Peel appuya la motion, mais avec réserve et en se montrant très touché des diflicultés d’une semblable opération. Quand il y revint en 1849 pour son propre compte, il garda les mêmes scrupules, élevant des doutes sur les bons résultats d’un système d’émigration officielle, insistant sur l’énormité de la dépense, approuvant ce que faisait déjà le gouvernement pour encourager l’émigration volontaire, qui coulait par torrens, et l’exhortant à développer ses mesures en ce sens plutôt qu’à en prendre de plus directes et de plus vastes. Ce fut sur le régime de la propriété foncière en Irlande que sir Robert Peel porta tout son effort : après avoir vivement retracé son déplorable état, ses charges publiques, ses dettes privées, la nouvelle taxe des pauvres, les hypothèques accumulées, l’apathie des propriétaires, l’entassement stérile des tenanciers, « je vous proposerai, dit-il, avec une extrême hésitation un moyen d’atténuer ces maux et les dangers dont ils nous menacent, moyen lent, mais le seul efficace, le seul qui nous offre une chance de salut. Il faut que ces terres passent dans les mains de propriétaires nouveaux, animés d’un nouvel esprit, qui les reçoivent dégagées des hypothèques dont elles sont grevées, les possèdent avec un titre certain, et apportent dans leur exploitation les capitaux, l’énergie, la confiance, l’espérance nécessaires pour réussir. » Il rappela ce qui s’était passé sous Jacques Ier, au nord de l’Irlande, dans l’Ulster, lorsqu’après plusieurs révoltes des chefs irlandais, le roi, mis en possession par la confiscation de deux millions d’acres de terre, en avait distribué une grande partie à des Anglais et à des Écossais protestans qui étaient allés s’y établir et avaient fondé, par une culture intelligente et active, la prospérité de cette province. « Rien ne serait plus aisé, dit Peel, que de suggérer de tels remèdes, si nous ne tenions aucun compte de ces droits de propriété que la législature britannique a