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Page:Revue des Deux Mondes - 1856 - tome 5.djvu/215

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crire à l’abolition de L’armement en course ; ils proposent au contraire d’étendre le principe proclamé par le congrès de Paris, en y ajoutant cette autre déclaration, que la propriété privée de l’un des belligérans sera respectée sur mer par la marine ennemie, comme elle est déjà respectée sur terre par les armées. La conséquence peut être moralement juste. D’un autre côté il est bien clair que la guerre, cette extrémité terrible, perd de son efficacité par l’adoption de ce nouveau droit, et peut devenir plus ruineuse pour les états en se prolongeant. C’est assez dire que la question soulevée par M. Marcy est une question d’avenir, et la poursuite d’une amélioration plus grande dans le droit public n’est point un motif de repousser aujourd’hui un progrès qui n’a été conquis qu’après de longues et sanglantes luttes.

C’est là au reste une de ces discussions de droit destinées à se prolonger avant d’arriver à une solution, et qui ne peuvent dans tous les cas réveiller une activité soudaine dans un monde politique dispersé et livré au repos. Pour le moment en France, tout se ressent de ce calme général. Le chef de l’état était, il y a quelques jours, à Plombières ; il est maintenant d’un autre côté, à Biarritz. La réunion même des conseils-généraux qui a lieu actuellement est un signe de cette situation, où les intérêts locaux prennent le pas sur les grandes affaires de la politique. Que reste-t-il donc ? Il reste des polémiques de journaux, des querelles religieuses acerbes, acharnées, d’autant plus bruyantes qu’elles se produisent au milieu du silence universel. Qui a soulevé cette tempête ? d’où est-elle venue ? Elle date de loin. L’Univers y comme on sait, n’est point un journal qui se pique de déguiser ses tendances, il les exagérerait plutôt par une sorte de passion militante. Il s’est attiré plusieurs fois des affaires, d’où il est sorti plus ou moins vainqueur. Aujourd’hui c’est un assaut général, c’est une guerre civile au sein de ce qu’on appelle le parti catholique, comme s’il pouvait y avoir réellement un parti catholique, comme si tout ce qui tient à la religion pouvait être soumis à la stratégie des opinions et des passions de parti. M. de Falloux a été l’un des premiers à saisir sa plume d’académicien nouvellement élu pour rouvrir cette guerre contre l’Univers, en le représentant comme un danger pour l’église, qu’il compromet dans des thèses extrêmes ou dans des solidarités périlleuses. Puis est venu tout un livre volumineux destiné à mettre en lumière les excentricités et les contradictions du journal religieux. Enfin voici un autre organe des intérêts catholiques, l’Ami de la Religion, qui intente à l’Univers un procès, un véritable procès en hérésie ; il l’assigne devant ses juges, il rédige l’instruction. M. Louis Veuillot peut certes trouver là de quoi exercer son humeur belliqueuse, et il n’y manque pas ; il lance contre ses adversaires plus d’un trait acéré. Si l’Univers du reste est attaqué, il est défendu aussi ; l’épiscopat intervient à son tour ; des prélats se prononcent en faveur du journal de M. Veuillot, d’autres parlent en pacificateurs. L’opinion cependant assiste à ces luttes singulières ; elle observe ce