Aller au contenu

Page:Revue des Deux Mondes - 1856 - tome 5.djvu/258

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

qui, dans l’intimité de la méditation, firent de la Trinité un pur symbole des attributs divins, mais qui sans s’expliquer gardèrent le langage orthodoxe ou ne s’en écartèrent que par le silence. Il y eut en un mot des philosophes ariens qui, profitant des droits de l’examen permis au protestantisme, comprirent suivant leur raison les dogmes de l’église, mais ne cessèrent pas de les respecter. La littérature anglaise et même celle du clergé anglican ne manquent pas d’écrivains qui prennent soin de ne pas s’expliquer sur ce sujet, ou de n’employer que des expressions vagues, équivoques, compatibles avec toutes les nuances du christianisme. Donner au Christ les noms de messie, de sauveur, de rédempteur, même de fils de Dieu, c’est parler un langage irréprochable, et qui cependant n’implique pas formellement la croyance à la sainte Trinité. C’est un point auquel il faut faire grande attention, quand on veut lire avec une intelligence clairvoyante les écrits publiés en Angleterre vers la fin du XVIIe siècle, et même en tout temps les livres des défenseurs du protestantisme. Cette réserve dans le langage ou l’absolue prétérition mettait en général à l’abri les gens qui ne voulaient ni s’engager ni rompre avec l’orthodoxie, et le nombre est assez grand de ceux qui ont ainsi accordé leur conviction et leur tranquillité; mais le droit de ne pas tout dire, le droit de penser, de comprendre, de croire suivant une inspiration personnelle, n’est pas la même chose que la liberté de prêcher, de dogmatiser, de pousser à la séparation, de former des congrégations nouvelles, d’attaquer enfin publiquement par l’écriture et le raisonnement les croyances officielles des églises établies. Cette liberté eût été celle des unitairiens comme secte, et quoiqu’ils aient toujours aspiré à l’obtenir, quoique dès 1682 il se fût formé à Cheltenham, sous les auspices de John Cooper, ministre dépouillé par l’acte d’uniformité, une véritable église locale unitairienne qui s’est maintenue de pasteur en pasteur jusqu’en 1789, c’est un droit qui n’a jamais été ni reconnu ni respecté; toujours, même dans ces derniers temps, l’unitairianisme, comme religion spéciale et constituée, a rencontré beaucoup plus d’obstacles et soulevé beaucoup plus de résistances que l’unitairianisme comme opinion philosophique ou comme manière individuelle de comprendre la religion générale. Pour être à peu près maître de tout penser, il a suffi de ne point prétendre à se séparer. Toute église préfère les incrédules qui restent dans son sein, même aux croyans qui l’abandonnent.

La controverse cependant fut loin d’être étouffée. Durant les dix premières années du règne de Guillaume, elle fut vive et féconde. Des écrits nombreux parurent pour interpréter, atténuer ou combattre la doctrine d’Athanase. Toutes les nuances ariennes, sabelliennes, sociniennes, furent représentées dans la presse théologique,