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et des hommes distingués tels que Bull et Sherlock prirent en main la cause de l’orthodoxie. Le grand mathématicien Wallis lui-même défendit avec éclat ce dogme de la Trinité sur lequel Newton gardait un silence expressif. On répondit, et les choses en vinrent au point que le roi, conduit par le mouvement parlementaire à se rapprocher des tories, fut obligé de recommander au parlement la cause de l’orthodoxie ; on vota même pour la défense du dogme la loi dite de blasphème, qui heureusement ne fut pas exécutée.

L’église en effet était loin d’être tout entière animée de l’esprit agressif de ses défenseurs attitrés. Nous avons parlé dans ce recueil de la distinction entre la haute et la basse église[1]. Cette distinction était encore plus politique que religieuse; mais il ne faudrait pas que, trompé par les termes, on se figurât les chefs de l’établissement épiscopal comme unanimement portés alors à l’exagération des droits du pouvoir spirituel et temporel. La haute église est une expression qui désigne l’esprit de l’église à sa plus haute puissance. Des deux partis qui composaient le clergé épiscopal, l’un était aussi étroitement attaché que l’autre l’était peu aux conséquences de la révolution. On vit bientôt des anglicans regretter les Stuarts; la bigoterie ramena à l’absolutisme. L’intolérance fut contre-révolutionnaire. Le clergé libéral accueillit au contraire les dissidens, dévoués généralement aux principes de 1688. Les évêques que Guillaume III lui avait donnés pour chefs acceptèrent ou patronèrent toutes les mesures favorables à la liberté dans la croyance. Comme ces nouveautés ne pouvaient être admises sans affaiblir ou éluder les conséquences de l’acte d’uniformité, on commença à soupçonner de relâchement les prélats ou les théologiens qui semblaient ainsi tenir si peu de compte des restrictions dogmatiques imposées par le despotisme des Tudors. A leur tête se plaçait une élite de ministres éclairés, les chefs de cette noble secte des latitudinaires, si bien louée par sir James Mackintosh, et qui, la première après celle des indépendans, professa la tolérance en la comprenant mieux. Burnet en était l’orateur politique, et Jeremy Taylor l’orateur religieux. Tillotson et Hoadly brillèrent parmi ces évêques, plus vénérés par l’histoire que par l’église. L’Angleterre leur dut l’apaisement des querelles religieuses. C’est au reste de pélagianisme plutôt que d’arianisme qu’ils furent accusés; mais, ennemis des querelles dogmatiques comme des guerres civiles, on peut croire qu’en toute question ils traçaient à l’orthodoxie des limites assez indécises, et Burnet a passé pour unitairien. Quoi qu’il en soit, c’est de leur époque que datent en Angleterre l’admission régulière de la liberté des

  1. Voyez nos études sur Bolingbroke dans la Revue du 1er et 15 août, du 1er et 15 septembre, et du 1er octobre 1853.