cousine, laissera-t-il Sophie auprès de vous ? Vous ne l’espérez pas ; elle sera sa femme et ne sera plus votre fille. Maurice vivra près de vous.
— Près de moi ! dit Agathe.
La mère avait tressailli ; les deux coups avaient porté.
— Il aura un appartement dans la même maison, sous le même toit, sous la même clé, si vous voulez.
— Mais, reprit Mme Sorbier ébranlée, une tante de province assure à M. de Courtalin deux cent mille francs, s’il épouse notre Sophie.
— Et moi, j’en assure trois cent mille à ma filleule, si elle épouse Maurice.
M. Sorbier se leva.
— Ah ! si elle épouse M. de Treuil, vous lui donnez…
— Trois cent mille francs ; sinon, non.
Les deux époux échangèrent un rapide coup d’œil. La force de cet argument avait réduit au silence l’opposition de Mme Sorbier.
Elle inclina la tête sans répondre.
— Dame ! dit M. Sorbier, c’est tout comme si ce cher M. de Treuil avait une fortune à lui ; il faudra seulement qu’il en fasse donation à sa future en cas de décès.
Cette fois M. Closeau du Tailli était sûr de son triomphe.
— Et puis, dit-il, je crois, entre nous, que Maurice convient à Sophie.
Heureuse de cette ouverture qui lui permettait de faire une retraite honorable, Mme Sorbier lui saisit la main :
— Eh ! que ne disiez-vous cela plus tôt ! s’écria-t-elle. Est-ce que je désire autre chose que le bonheur de cette chère enfant ? Vous dites que M. le comte Maurice de Treuil lui convient, il me convient aussi.
Sophie fut appelée et invitée à faire connaître ses secrets sentimens. — Parle sans crainte, mon enfant, lui dit sa mère ; ton parrain nous propose pour toi un mari que tu as vu ce soir.
— Et j’ai fait part à Mme Sorbier de ce que tu m’avais dit, petite, reprit M. Closeau du Tailli.
— Ah ! que vous êtes indiscret ! s’écria Sophie en cachant son visage dans les bras de sa mère.
Cette petite scène d’intérieur termina la conversation. Les grands parens s’embrassèrent avec effusion ; Sophie, mise au fait de la générosité de M. Closeau du Tailli, le remercia, et le parrain fut autorisé à faire part officiellement de son bonheur à M. Maurice de Treuil, qu’il se chargea de ramener le lendemain à la Colombière.
Une heure après, en se couchant, Mme Sorbier, qui ne pouvait s’empêcher de regretter M. de Courtalin, se pencha vers son mari :
— Dis donc, Isidore, as-tu remarqué de quel air M. Closeau du