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vir le bien public. Je ne me rappelle pas une seule occasion où il ne se soit pas décidé pour ce qu’il croyait vrai, et je n’ai jamais eu la moindre raison de soupçonner qu’il dît une chose sans la croire parfaitement vraie. Je pense, après l’avoir bien longtemps connu, que c’était là le trait le plus frappant de son caractère. »

Il y a un témoignage qui confirme pleinement, selon moi, ce jugement du duc de Wellington : c’est celui de sir Robert Peel lui-même. Il dit, à la fin du mémoire qu’il a écrit pour expliquer et justifier son concours, en 1829, à l’émancipation des catholiques : « Si l’on avait invoqué le brusque changement de ma politique comme preuve de mon manque de sagacité et de prévoyance, si l’on m’avait reproché de m’être attaché avec trop d’obstination à une cause désespérée, d’avoir trop longtemps permis à des engagemens de parti et à une déférence excessive pour les désirs de mes commettans de l’emporter sur l’évidence, chaque jour croissante, d’une nécessité prochaine, si telle eût été contre moi l’accusation, il me serait plus difficile d’y opposer une réfutation complète et péremptoire. Mais c’était l’accusation contraire qu’élevaient contre moi ceux dont j’avais perdu le bon vouloir et la faveur. Selon eux, j’avais sans raison suffisante, par de pusillanimes et indignes motifs, conseillé l’abandon d’une résistance dans laquelle il eût été facile autant que sage de persévérer avec vigueur… Je puis affirmer avec vérité, et j’affirme solennellement, en présence du Dieu tout-puissant « à qui tous les cœurs sont ouverts, tous les désirs connus, et de qui nul secret ne peut être caché, » qu’en conseillant et en proposant les mesures de 1829, je n’ai été dominé par aucune autre crainte que la crainte des malheurs publics, et que j’ai agi en vertu d’une profonde conviction que non-seulement ces mesures étaient utiles au bien général, mais qu’elles étaient devenues impérieusement nécessaires pour détourner un danger imminent et croissant qui menaçait des intérêts spécialement commis à ma garde, les intérêts de l’église et des institutions liées à l’église. Il se peut que, sans m’en douter, j’aie subi l’influence de motifs moins purs et moins désintéressés, que j’aie cédé au secret plaisir d’être « un hardi pilote au milieu de la tempête ; » mais ce ne fut certainement pas une ignoble ambition qui me poussa à affronter une lutte à outrance et à me soumettre au sacrifice de tout ce qu’un homme public a de plus cher, tout, excepté l’approbation de sa conscience et l’espoir de la justice de l’avenir. »

Il n’y a rien à contester dans cette libre confession d’un grand honnête homme ; le fond en est aussi vrai que l’accent. Quand il changea d’avis et de politique, sir Robert Peel fut parfaitement sincère ; il n’obéit qu’à ce qu’il jugea la vérité, et ne chercha que le bien public. On pourrait sans injustice le taxer d’imprévoyance, et