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Page:Revue des Deux Mondes - 1856 - tome 5.djvu/430

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ERJEB-PACHA.

Misérables! maudits! enfans de maudits! Cela n’est que trop clair! Et vous avez trouvé ce médaillon...

AIXA.

Dans le tiroir d’Ansha, au milieu de ses bijoux.

ERJEB-PACHA.

Ah! je suis trahi! Oui, Erjeb-Pacha est trahi par une femme et par un chien! La surprise ne laisse pas de place à la colère! Par Allah! le châtiment sera terrible.

AIXA.

Bien, seigneur. Seulement souvenez-vous que la justice a deux mains; de l’une elle punit, de l’autre elle récompense. Tenez-moi compte de mon dévouement et de ma fidélité.

ERJEB-PACHA.

Soyez tranquille, ma justice remplira son double devoir. Évitez ce misérable, et retirez-vous. (Aïxa fait les saluts d’usage, et sort.)


SCÈNE CINQUIÈME.


ERJEB-PACHA, seul.

Voilà qui me confond! Et moi qui envoyais ce damné Grec au padisha! Rien que d’y penser, je suis pris d’une sueur froide! Moi qui ai annoncé la chose à mes amis! S’ils allaient abuser de ma confiance!... Ils savent lire, et la science rend toujours un homme dangereux... Que faire maintenant? Trouver une autre Circassienne... Cette fois je ne m’en rapporterai qu’à moi. Au pis aller, une femme quelconque fera mon affaire, pourvu qu’elle soit belle et que je la dise de Circassie. Combien de Circassiennes sont nées à Stamboul! De ce côté, le mal n’est pas sans remède, et je puis dire l’avoir échappé belle; mais il faut que je fasse un exemple, ou malheur à moi ! Les mœurs de mon harem me semblent singulièrement relâchées : patience! On verra ce qu’il en coûte de tromper un Erjeb-Pacha! Il faut une exécution, montrons que j’ai encore du sang de vieux Turc dans les veines. (Il frappe des mains ; un eunuque se présente.) Dites à Mohammed-Ali, votre chef, de venir me trouver dans une heure, et que personne ne sache que je l’ai fait appeler... Une heure de réflexion, oui, c’est tout ce qu’il me faut. Je ne veux pas qu’on me voie ému, troublé : il faut que les coupables trouvent en moi un juge impassible.