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traversaient ensemble. Cet enseignement maternel s’était gravé dans son esprit, et il en fit le sujet de l’une des parties les plus intéressantes de son ouvrage. Après avoir prouvé que le climat est d’autant plus rigoureux qu’on s’élève davantage, Soulavie distingue cinq zones de végétation étagées l’une au-dessus de l’autre, et caractérisées chacune par l’oranger, puis l’olivier, — la vigne avec le mûrier,— les châtaigniers, les sapins et les plantes alpines. Frappé de l’influence prédominante du climat, il ne méconnut pas celle du sol, qu’il fait ressortir en examinant comparativement la végétation des roches granitiques, calcaires ou volcaniques qui forment le relief des montagnes du Vivarais.

Quelques années après la publication du livre de Giraud-Soulavie, la France était étudiée sous un point de vue en apparence distinct, en réalité dépendant de la science dont nous nous occupons. Un agriculteur anglais, Arthur Young, qui appartenait à la classe si honorable des gentlemen farmers, avait parcouru les trois royaumes à plusieurs reprises et dressé le tableau de leur agriculture. Pour juger la valeur des pratiques agricoles de son pays, un terme de comparaison lui manquait : il résolut donc de visiter la France. Quatre étés, ceux de 1787 à 1790, furent consacrés à ce voyage. Ce n’est point emporté par une locomotive sur des chemins de fer dont l’imagination la plus hardie n’eût pas alors soupçonné la possibilité, ce n’est pas même dans les lourdes messageries ou les paisibles voiturins de l’époque que Young accomplit son pèlerinage agricole. Ces moyens de transport lui semblaient encore trop rapides. Young parcourut toute la France à cheval, porté par la même jument, s’écartant des grandes routes, s’arrêtant auprès d’une ferme, afin d’examiner les méthodes de culture, les instrumens aratoires, les chevaux de trait ou les troupeaux, mettant pied à terre pour s’entretenir avec les laboureurs qu’il apercevait dans les champs, s’in former du prix de revient et du prix de vente des produits de la terre. Sa curiosité satisfaite, il remontait à cheval et méditait en cheminant sur ce qu’il avait vu et sur ce qu’il allait voir. La réflexion mûrissait ainsi lentement les résultats de l’observation et le conduisait à des conséquences dont l’avenir a confirmé l’exactitude. En même temps Young ne négligeait pas de visiter les savans, les hommes de lettres, les gentilshommes éclairés qui habitaient la province. Faut-il s’étonner qu’après avoir étudié notre pays avec un esprit dégagé de nos préjugés, et avec un terme de comparaison comme celui de l’Angleterre, il ait mieux jugé la France que les Français, et y ait fait des découvertes aussi nouvelles pour nous que pour les autres peuples ? Young le premier a distingué les climats si divers que la France doit à sa situation géographique et au relief de son sol. Ce que Giraud-Soulavie avait si heureusement accompli