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étrange, tellement différente de celle du monde entier, qu’elle semble appartenir aux époques géologiques antérieures à l’apparition de l’homme sur la terre ; dans l’Inde, les figuiers gigantesques, les grandes fleurs et les larges feuilles ; au cap de Bonne-Espérance, des bruyères, des zamia, des protea, arbustes au feuillage rigide et blanchâtre : telles étaient les impressions botaniques que laissaient dans l’imagination des voyageurs les circumnavigations même les plus rapides.

En même temps des botanistes s’attachaient à recueillir la plupart des plantes qui croissaient dans un pays ; ils en rapportaient les productions, qui, décrites par les savans sédentaires, prenaient place dans l’immense inventaire de la nature. Ainsi, pour ne citer que quelques exemples, le Japon, visité par Kaempfer et Thunberg dans le siècle dernier, était exploré pendant sept ans par Siebold ; l’horticulteur Fortune s’introduisait en Chine, et herborisait dans les plates-bandes des mandarins, d’où il nous a rapporté tant de plantes ornementales ; Bunge pénétrait en Mongolie. La Russie asiatique et européenne, illustrée par les voyages de Pallas, était visitée dans toutes ses parties par Ledebour, de Baer, Erman, Dubois de Montpereux et Hommaire de Hell.

Au moyen âge, l’Orient était le grand marché de Venise, le pays de l’or et des pierreries, la Californie de l’époque, attirant tous les aventuriers avides de fortune. Rauwolf, Belon, Buxbaum et Tournefort furent les premiers qui n’y allèrent que pour chercher des fleurs. Dans les temps modernes, Michaux a visité la Perse, Aucher-Éloy, M. de Tchihatchef et le comte Jaubert[1], l’Asie-Mineure. La Grèce a été explorée par Sibthorp et Bory de Saint-Vincent, l’Arabie par Forskal, la Syrie par Labillardière. L’Inde, ce berceau de la religion et des races européennes, entrevue par les Hollandais, était parcourue par Leschenault de la Tour, Roxburgh, Wight, Jacquemont, Blume, Royle, Griffith, Perrotet, et dans ces derniers temps par M. Hooker fils.

L’Afrique, terre dévorante, le tombeau de tant de voyageurs, est peu à peu entamée. Les armées françaises en ont ouvert la route en 1800 par la conquête temporaire de l’Égypte, en 1830 par l’occupation permanente de l’Algérie. Desfontaines, Vahl, Poiret, Schousboe, Broussonet, avaient déjà parcouru ces contrées, soumises alors aux Turcs. Delile a fait la flore de l’Égypte, visitée depuis lui par Ehrenberg et Bové. Bruce, Caillaud, Schimper, d’Abbadie, Lefèvre et Dillon ont pénétré en Nubie et en Abyssinie. Adanson, Palissot

  1. Voyez les Lettres d’Orient du comte Jaubert dans la Revue du 1er février 1842, l’Asie Mineure de M. de Tchihatchef dans la Revue du 15 mai et 1er juin 1850.