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communs, la température s’abaisse rapidement en été, plus lentement en hiver, mais, en moyenne, d’un degré centigrade pour 180 mètres de hauteur verticale. Ce voyageur se retrouve dans un climat analogue soit en s’élevant de 180 mètres, soit en s’avançant dans les plaines de la France de 22 myriamètres vers le nord[1]. Il traverse aussi des zones de végétation semblables. Au pied du Canigou par exemple, l’oranger mûrit ses fruits dans des jardins entourés de murs, puis le voyageur traverse des champs d’oliviers, de maïs, des bouquets de chêne vert, des vignobles célèbres par leurs vins ; mais à 420 mètres de hauteur l’olivier l’abandonne, à 550 mètres la vigne s’arrête, à 800 mètres c’est le châtaignier ; à 1,320 mètres, il rencontre les premiers rhododendrons, dont les touffes fleuries ravissent toujours les yeux de l’ami des montagnes, car elles lui annoncent qu’il entre dans l’air pur des régions alpines. Les derniers champs de seigle et de pommes de terre que l’infatigable Catalan va cultiver à l’extrême limite où il peut espérer une récolte ne de passent pas 1,640 mètres. À cette hauteur, le hêtre, le sapin argenté, le pin, le bouleau, ombragent le sol ; mais leur taille se réduit peu à peu sous l’influence combinée du froid, du vent et du poids de la neige. Le sapin s’arrête à 1,950 mètres, le bouleau à 2,000 mètres, le pin gravit la montagne jusqu’à la hauteur de 2,430 mètres. Au-dessus s’étend une pelouse composée de plantes alpines ou polaires inconnues aux régions tempérées. Le rhododendron ne dépasse pas 2,540 mètres. Le genévrier seul, rabougri, couché sur le sol, monte jusqu’au sommet, à 2,785 mètres, où les plantes du Spitzberg et du Mont-Blanc dorment ensevelies pendant neuf mois sous la neige, et croissent, fleurissent et fructifient en trois mois. Ces observations, recueillies sut le Canigou par M. Aimé Massot, peuvent s’appliquer aux Alpes ; à leur pied seulement, on ne voit ni l’oranger, ni le chêne vert, ni l’olivier. La vigne monte sur leurs flancs aussi haut que dans les Pyrénées, mais le vin qu’elle produit trahit suffisamment la différence des latitudes et des climats. Après la vigne vient la région des châtaigniers, des noyers, des chênes et des hêtres, puis celle des prairies subalpines, arrosées par d’innombrables ruisseaux bordés de frênes et d’aunes. Plus haut commence la région des arbres verts, du sorbier des oiseleurs et de l’aune des montagnes. Au-dessus est la prairie alpine, dépourvue d’arbres et s’élevant jusqu’à la limite des neiges perpétuelles, dont les bords, fondant sous l’influence du soleil d’été, entretiennent au-dessous une éternelle fraîcheur. À peine la neige a-t-elle disparu,

  1. J’ai pris pour base de mes calculs les températures annuelles moyennes de Toulouse, 12°,1, et de Paris 10°,1, dernier résultat obtenu après une discussion approfondie par M. Renou.