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Page:Revue des Deux Mondes - 1856 - tome 5.djvu/481

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que le gazon la remplace, et les chaleurs de l’été variant chaque année, on voit souvent des vaches paissant sur une pente qui, les années précédentes, était restée ensevelie sous la neige.

L’ordre de succession des végétaux n’est pas le même dans les différentes chaînes de montagnes étudiées jusqu’ici. Tantôt le bouleau monte plus haut que le pin ou le sapin, tantôt le contraire arrive. Le hêtre dépasse l’alizier dans les Pyrénées, tandis qu’il est dépassé par lui dans les Alpes du Tyrol. L’orientation de la montagne, l’inclinaison de ses contre-forts, les abris formés par des chaînes collatérales, la direction habituelle des vents, modifient les limites des différentes essences. Ainsi sur le Ventoux, sommet isolé qui s’élève dans la plaine du Rhône, certaines espèces n’existent que sur le versant sud ; d’autres ne se trouvent que sur le contre-fort tourné vers le nord. Les hêtres, les lavandes, les genévriers, s’élèvent moins haut sur l’escarpement du nord que sur la pente méridionale ; la différence moyenne est de 245 mètres. Sur l’Etna, montagne isolée comme le Ventoux, cette différence est de 350 mètres, d’après les mesures de M. Gemellaro. La situation plus australe de la montagne, la plus grande intensité de la chaleur et de la lumière qui frappent le côté méridional du volcan, rendent compte de l’écart des résultats obtenus en France et en Sicile.

Les cultures s’échelonnent sur les flancs des montagnes comme les plantes sauvages ; mais ici des élémens politiques et sociaux viennent compliquer les influences climatologiques et géologiques. Ainsi dans la chaîne des Alpes pennines, qui unit le Mont-Blanc au Mont-Rose, la limite des champs cultivés est plus élevée sur le versant nord que sur le versant sud. Météorologiquement c’est le contraire qui devrait avoir lieu, mais la population est plus dense en Suisse qu’en Piémont ; elle est aussi plus énergique, et le paysan valaisan sème son seigle ou son orge jusqu’à la limite extrême où il peut espérer une récolte dans les années favorables. En Europe, cette échelle de culture est bornée, mais elle s’étend dès qu’on s’approche de l’équateur. Déjà, dans l’Andalousie, le coton et la canne à sucre réussissent au bord de la mer ; le dattier, la figue d’Inde, l’oranger, le chêne-liége, l’olivier, la vigne, les noyers, les mûriers et les châtaigniers s’étagent sur les flancs de la Sierra-Nevada depuis la plaine jusqu’à la hauteur de 1,600 mètres ; les céréales ne cessent qu’à 2,500 mètres : au-dessus de cette limite, on ne trouve plus de végétaux cultivés, mais des pâturages seulement.

L’échelle de culture la plus étendue qui existe dans le monde se déroule sur les pentes des Andes. Au bord de la mer, on cultive le sucre, l’indigo, le café, les bananes ; plus haut, le coton ; au-dessus, le maïs, les patates, le blé d’Europe. Les noix, les pommes, le froment et l’orge s’arrêtent à 3,300 mètres ; mais les pommes de terre,