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Cette influence est-elle prédominante, ou bien les plantes sont-elles également sensibles à la composition chimique du sol ? Telle espèce exige-t-elle pour se maintenir la présence de certaines substances telles que la potasse, la chaux, la magnésie, la silice ? Sur ce point, les botanistes et les agriculteurs sont divisés. Un savant dont la Suisse regrette la perte récente, M. Thurmann, a soutenu l’opinion de la prédominance des conditions physiques. Habitant la petite ville de Porentruy, au milieu de la chaîne calcaire du Jura, non loin des Vosges, qui sont granitiques, et du petit groupe volcanique du Kaiserstuhl, M. Thurmann avait été frappé de voir les mêmes espèces végéter sur des sols d’une composition physique analogue, mais dont les élémens chimiques étaient totalement différens. Ainsi il retrouvait les mêmes plantes sur un escarpement calcaire, un sommet volcanique ou un dôme granitique ; d’autres végétaient également bien dans des sables ou des éboulemens provenant de roches très diverses.

M. Henri Lecoq a signalé beaucoup de faits de ce genre en Auvergne et sur le plateau central de la France, où les terrains les plus divers se trouvent réunis sur un espace peu étendu. D’un autre côté, MM. Unger en Tyrol, Mohl en Suisse, Schnizlein et Frickhinger dans le nord de la Bavière et M. Sendtner dans le sud du même pays, ont fait ressortir l’influence de la composition chimique. M. Alph. de Candolle, résumant tous ces travaux partiels et comparant les mêmes espèces observées dans des contrées éloignées, conclut à la prédominance de la constitution physique comme condition déterminante de la station d’une espèce végétale, quoique certaines plantes montrent une prédilection marquée pour les sols contenant certains principes. Le châtaignier, la digitale pourprée, le genêt ordinaire, affectionnent les terrains siliceux, l’ellébore fétide, le dompte-venin, la grande gentiane, préfèrent les sols calcaires ; mais en général les végétaux qui dans un pays ne croissent jamais que dans un terrain déterminé se montreront ailleurs sur un sol analogue par ses propriétés, différent par ses élémens minéralogiques. Ainsi, en herborisant dans les limites étroites d’un département, un botaniste pourra croire pendant quelque temps à l’influence chimique du sol ; mais il sera détrompé, s’il élargit le cercle de ses observations pour reconnaître si l’espèce qu’il trouvait uniquement sur une roche lui reste constamment fidèle dans tous les pays. M. Alph. de Candolle a analysé sous ce point de vue les 45 espèces que M. Mohl n’avait trouvées que sur des terrains siliceux en Suisse et en Autriche ; or 19 deviennent infidèles dans d’autres climats. Sur 67 espèces propres au calcaire, 36 ont été trouvées hors de Suisse, sur des terrains privés de carbonate de chaux. Sur 43 espèces que Wahlenberg n’avait rencontrées dans les Carpathes que sur les calcaires, il en est 22 qu’il revit sur