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Page:Revue des Deux Mondes - 1856 - tome 5.djvu/482

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l’ulluco et la capucine tubéreuse montent jusqu’à 4,000 mètres : c’est à cette hauteur seulement que cessent les cultures. Au-dessus sont des pâturages parcourus par des lamas, des brebis, des bœufs et des chèvres. La limite des neiges éternelles est à 4,800 mètres ; c’est la hauteur du Mont-Blanc en Europe[1].

Parmi les causes qui expliquent et déterminent la distribution des végétaux sur le globe, il faut encore compter l’influence du sol. Comme l’atmosphère, le sol agit sur les végétaux d’abord par sa température. Certains sols s’échauffent prodigieusement sous l’influence des rayons solaires et se refroidissent ensuite rapidement. D’autres s’échauffent peu et se refroidissent à peine. De là des actions très diverses sur les racines et la partie inférieure de la tige. À mesure qu’on s’élève sur les hautes montagnes, la chaleur relative du sol, comparée à celle de l’air, augmente dans une progression constante. La raison en est facile à comprendre. En traversant l’atmosphère, les rayons solaires lui abandonnent une partie de leur chaleur ; par conséquent plus la couche d’air sera mince, et moins leur chaleur sera diminuée. Or, sur une montagne, la couche atmosphérique est plus mince de toute la hauteur comprise entre la plaine et le sommet de la montagne ; donc les rayons solaires qui le frapperont auront perdu une quantité de chaleur moindre que ceux qui descendent jusque dans la plaine. Ainsi sur le Faulhorn, montagne du canton de Berne, élevée de 2,680 mètres au-dessus du niveau de la mer, la température moyenne du sol, à la profondeur de deux décimètres, était par un beau jour égale au maximum de celle de l’air. Dans la plaine au contraire, un thermomètre enfoncé dans le sol à la même profondeur se tiendra toujours plus bas qu’un instrument suspendu à l’air libre, comme M. Quetelet l’a prouvé par de longues séries d’observations. Cette chaleur du sol, jointe à l’intensité de la lumière et à l’irrigation permanente provenant de la fonte des neiges, nous explique la variété et la vivacité de couleur des fleurs alpines : elles sont chauffées en dessous, comme les plantes que nous élevons sur couche ou dans nos serres. La chaleur de la terre supplée à l’insuffisance de celle de l’air.

Le sol n’agit pas uniquement sur les végétaux par sa température ; sa compacité ou son état de désagrégation, sa dureté, sa densité, sa perméabilité, ses qualités physiques en un mot, jouent un rôle capital. Chacun sait en effet que l’on ne trouve pas les mêmes plantes sur du sable, des terres argileuses ou des rochers compacts.

  1. Nous regrettons de ne pouvoir mettre sous les yeux du lecteur les belles planches figuratives publiées par M. Ed. Boissier dans son voyage botanique en Es pagne, et le tableau de la végétation des régions équinoxiales de M. de Humboldt. Ces planches parlent aux yeux comme à l’esprit, et gravent dans le souvenir l’image des zones de végétation qu’elles représentent.