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Page:Revue des Deux Mondes - 1856 - tome 5.djvu/486

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qui ne remonte qu’à 259 ans, il y a déjà 64 plantes de ce continent qui se sont multipliées et vulgarisées spontanément dans le nôtre. Réciproquement, les botanistes américains nous signalent 172 espèces européennes naturalisées dans les États-Unis et le Canada. Ces échanges sont trop peu nombreux pour altérer le caractère des flores, mais ils nous montrent que certains végétaux ont une nature plastique qui s’accommode de conditions d’existence en apparence assez diverses. La plupart au contraire ne prospèrent sous un ciel étranger que par les soins de l’homme, ou même périssent, à moins d’être placés dans le climat artificiel des serres, chaudes ou tempérées.

La plupart des plantes alimentaires, industrielles ou ornementales que nous cultivons sont, originaires de contrées éloignées. La France, si favorisée du ciel, réduite à la culture des végétaux indigènes, ne pourrait pas nourrir le quart de ses habitans. Toutes les céréales excepté le seigle et l’avoine, tous les arbres fruitiers excepté le poirier et le pommier, nous viennent de l’Asie centrale. L’Amérique nous a donné le maïs, la pommé de terre et le tabac. Quoique cultivés depuis des siècles, ces végétaux ne sont pas naturalisés en Europe ; ils ne se propagent pas spontanément et sans culture. Les soins de l’homme seul peuvent les perpétuer. Abandonnées à elles-mêmes, les céréales ne se reproduisent plus et disparaissent ; les fruits à couteau redeviennent acerbes, la vigne dégénère. Il faut toute la science, tous les soins de l’agriculteur, pour conserver et améliorer ces précieuses plantes, sur lesquelles repose l’existence même des peuples européens. De redoutables avertissemens, la maladie des pommes de terre, celle de la vigne, ont montré que ces conquêtes végétales, réputées définitives, peuvent encore nous échapper. Une culture prolongée pendant des siècles, des modes anormaux de multiplication, des agglomérations trop considérables des mêmes végétaux dans une même contrée, sont peut-être, comme les grandes agglomérations humaines, des causes permanentes d’épidémies destructives. Quoi qu’il en soit, l’éveil a été donné, et l’on a cherché de tous côtés dans les plantes exotiques des espèces alimentaires propres à remplacer celles dont la perte est sinon probable, du moins possible. Cette recherche est logique et sera couronnée de succès. Presque tous nos végétaux utiles provenant de ce vaste continent de l’Asie, dont nous ne connaissons que les bords, et la moitié des plantes du globe étant encore inconnue, il est évident que nous devons trouver parmi les espèces cultivées par d’autres peuples, ou même parmi les plantes sauvages, des végétaux alimentaires nouveaux. On ne saurait donc trop multiplier les essais : sur le nombre, quelques-uns réussiront ; mais il faut se garder des illusions dont l’expérience a désabusé tous les bons esprits. Un végétal naturalisé et définitivement