Page:Revue des Deux Mondes - 1856 - tome 5.djvu/491

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

qu’elle est de nos jours : la distribution des terres et des eaux, la délimitation des continens, le nombre et la forme des îles différaient de ce que nous voyons aujourd’hui. Tout nous prouve en effet que les terres se sont couvertes de végétaux à mesure qu’elles ont été émergées. Certaines flores sont plus anciennes que les autres, d’autres au contraire sont plus récentes. Des îles voisines de grands continens, les Galapagos sur les côtes du Chili, d’autres dans l’archipel grec et dans le groupe des Canaries, ont une végétation tellement différente de celle du continent voisin, qu’il est impossible d’admettre une création simultanée. La nature géologique du sol confirme cette induction, lorsqu’elle nous démontre qu’à l’époque où l’une des terres était exondée, l’autre était encore couverte par les eaux. Il n’est point de naturaliste qui ne considère la faune ou la flore de l’Australie comme une création à part, antérieure ou postérieure à celle du reste de la terre. Enfin on peut démontrer que des pays séparés par la mer étaient réunis à l’époque où les plantes se sont répandues à la surface du globe : Edward Forbes l’a prouvé pour l’Angleterre. Ce pays ne compte pas une seule espèce végétale ou animale aborigène qui ne se retrouve sur le continent voisin, soit en France, soit en Allemagne. Il y a plus : quelques-unes de ces espèces n’ont pas encore traversé le bras de mer qui sépare l’Angleterre de l’Irlande ; cette île elle-même possède des espèces étrangères à l’Angleterre, mais qui lui sont communes avec le nord de l’Espagne. Tous ces faits semblent indiquer qu’à l’époque de la dissémination des végétaux, l’Angleterre était unie au continent. La géologie est d’accord avec la botanique pour le faire présumer. En effet, la séparation des deux pays est un événement relativement très récent et postérieur au dépôt des cailloux roulés qui couvrent la surface du sol sur les deux rives de la Manche. D’un autre côté, rien ne s’oppose géologiquement à ce que l’Irlande, l’Espagne et les Açores ne formassent un continent unique (peut-être l’Atlantide de Platon) à une époque où la végétation actuelle existait déjà. Depuis son apparition, des affaissemens du sol ont séparé ces pays ; mais malgré le changement de climat qui en a été la suite nécessaire, l’Irlande a conservé quelques plantes espagnoles, témoins muets de l’ancienne union des deux terres.

Les études de M. Alph. de Candolle sur les espèces disjointes prou vent que ces singularités ne sont pas particulières à l’Irlande. Une espèce disjointe est celle qui se montre çà et là d’une manière bizarre et inexplicable pour la géographie et la climatologie actuelles. Je choisis deux exemples. Le palmier nain (chamœrops humilis) existe dans le midi du Portugal, dans toute la partie méridionale et occidentale de l’Espagne ; il manque dans le Roussillon et le Languedoc, la Corse, le nord de la Sardaigne, mais apparaît sur un espace restreint