cette période végétale, et semblent relier ainsi la flore actuelle à la dernière des flores disparues.
Les plantes qui nous entourent n’ont pas paru simultanément sur toute la surface terrestre. Dès qu’une terre surgissait au-dessus des eaux, quelques humbles lichens s’attachaient à la roche ; sur le terreau résultant de la décomposition lente de ces lichens, des mousses pouvaient se fixer ; à leur tour, elles préparaient le sol, où se montraient quelques plantes annuelles, puis des espèces vivaces, enfin des arbustes et des arbres. C’est ainsi que les récifs de coraux de l’Océan-Pacifique se revêtent de végétation dès qu’un mouvement du sol les a élevés au-dessus de la mer. Autour de nous, sur les murs abandonnés et les édifices en ruines, nous voyons la végétation s’établir en suivant la même progression : c’est l’humble mousse qui prépare le sol où les alsines, le muflier, la giroflée, puis des figuiers, des érables, des micocouliers, prennent racine, et égaient la sombre ruine par leur fraîche verdure. Comme celui d’un récif, comme celui d’une ruine, le peuplement végétal du globe a été l’œuvre des siècles. À l’embouchure du Mississipi, les alluvions déposées par le fleuve ont 200 mètres d’épaisseur ; dans ces alluvions sont ensevelies des couches distinctes, composées de végétaux actuels. D’abord on trouve un lit de graminées et de plantes herbacées indiquant l’ancienne existence de prairies analogues à celles qui s’étendent encore sur les bords des grands lacs américains et du golfe du Mexique. M. Lyell assigne à la période ainsi représentée une durée qui ne peut pas être inférieure à 1500 ans. Au-dessus sont des couches distinctes de cyprès chauves séparées par des masses de sable, puis viennent des lits formés exclusivement de chênes semblables à ceux qui croissent actuellement sur les bords du fleuve. Sur les troncs de ces arbres, on a pu compter les couches annuelles de bois. Chacune d’elles correspondant à une année, on en a déduit l’âge de la forêt : or on trouve dix lits de ces chênes superposés, et en additionnant l’âge de tous ces arbres accumulés, on arrive au nombre effrayant de 158,000 ans. Tel serait le temps qui s’est écoulé entre les prairies primitives du delta du Mississipi et l’époque actuelle.
L’Amérique n’est pas le seul pays où l’on trouve les restes de végétations différentes qui se sont succédé sur la même place. Des troncs de pins et de sapins sont ensevelis dans les tourbières des Alpes, élevées bien au-dessus de la limite actuelle des arbres. Dans celles de la plaine, on déterre également des troncs d’espèces étrangères à la contrée. C’est ainsi qu’en Angleterre on trouve le sapin, qui n’est point spontané dans les îles britanniques. La végétation actuelle a donc traversé des phases successives qui remontent au-delà de toutes les traditions historiques. À l’apparition des végétaux qui vivent autour de nous, la surface du globe n’était point ce