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qui a pu compter dans son sein des hommes aussi différens que Laud, Burnet et Wesley, qui a compris de nos jours l’archevêque Whately et l’évêque Philpotts, l’évêque d’Oxford et celui de Hereford, en même temps que l’archidiacre Hare et le docteur Arnold, en même temps que les révérends Kingsley et Maurice, semble en proie à une guerre domestique, présage de sa dissolution. Heureusement l’Angleterre est le pays où les institutions le plus menacées par les prophéties des publicistes sont accoutumées à les décevoir par leur durée, et sur ce point je me garde de rien affirmer. Bornons-nous à reconnaître une fermentation intellectuelle plus vive dans l’église que parmi les dissenters. Les doctrines qui font le plus de bruit en ce moment sont nées dans le clergé de l’état, et les congrégations libres sont relativement stériles et silencieuses. Cependant les trois élémens religieux distingués par M. Tayler subsistent, chacun avec sa tendance, ses avantages et ses défauts. Dans l’église, le principe de la tradition peut être exagéré jusqu’à l’immobilité, arriver même jusqu’à la réaction : c’est en tombant dans cet excès que les anglo-catholiques ont provoqué des protestations redoutables pour le statu quo. Dans le puritanisme, le respect de l’Écriture peut tuer l’esprit au profit de la lettre et bannir du christianisme la méditation et la science. La liberté de penser tempère utilement l’église et le puritanisme ; mais elle peut affaiblir la religion comme sentiment en la rendant exclusivement déductive, et comme lien social en faisant uniquement dominer l’indépendance de la raison individuelle. Toutefois ces trois élémens sont nécessaires au moins dans nos sociétés modernes, et l’humanité ne se développe pleinement que lorsqu’une libre carrière est ouverte à ces divers et féconds principes d’ordre et de mouvement, de moralité, d’intelligence et de vérité.


X

S’il fallait rattacher à une seule cause de fait l’existence des dissentimens qui troublent l’église anglicane, on pourrait s’en prendre à celui de ses trente-neuf articles qui l’oblige à professer le symbole d’Athanase. La question de la justification, fondamentale dans le protestantisme, ramène naturellement à celle de la Trinité, car la rédemption n’est pas séparable du rédempteur. En général il n’y a pas entre les églises protestantes et la nôtre de dissidence sur la Trinité, dont le Messie est la seconde personne. Cependant, quelque formels que soient sur ce dogme les termes des anciennes confessions des réformés, la liberté et l’habitude d’interpréter l’Écriture ont conduit parmi eux plus d’un chrétien à concevoir la divinité du Sauveur en ce sens seulement que le Sauveur est divin. À l’aide de