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Page:Revue des Deux Mondes - 1856 - tome 5.djvu/502

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cette dernière expression, on peut, sans hérésie déclarée, cesser de croire à l’identité de substance entre le Créateur et le médiateur ; la foi de Nicée s’altère d’abord au fond, puis dans les termes. Il y a quarante ans qu’en Allemagne on l’eût assez difficilement rencontrée dans sa pureté et dans sa rigueur, et même aujourd’hui on pourrait ne pas l’y retrouver toujours jusque sous les apparences de l’orthodoxie. Tout le monde a entendu parler de la Vie de Jésus-Christ de Neander. C’est un livre écrit en réfutation de l’ouvrage de même titre qui a rendu fameux le nom de Strauss. C’est pour en réparer le scandale qu’un ministre de l’Évangile, objet des respects de l’église de Berlin, a composé un nouveau récit qu’il a voulu faire orthodoxe. Et cependant on ne sait pas avec la dernière précision, après l’avoir In, ce que l’historien pense du héros d’une si merveilleuse histoire. On voit bien à chaque page que le divin est en lui ; mais ce n’est pas la nécessairement le Dieu fait homme, car dans tout homme il y a du divin, la pensée de Dieu seulement ne peut venir que de Dieu même. Si donc la divinité de Jésus-Christ consistait seulement à être divin, ce dogme fondamental comporterait des interprétations bien diverses, et une certaine ambiguïté faciliterait l’orthodoxie. Dans la pratique, on exige rarement plus de précision en pays protestant. Longtemps du moins il y a suffi de professer qu’on est sauvé par le Christ ou que la justification vient de la rédemption.

Cependant l’acte de la rédemption est enveloppé d’une obscurité bien profonde ; ses effets seuls nous sont révélés. Sans doute il y a de l’incompréhensible dans le dogme de la Trinité ; mais il peut être exprimé en termes formels et connu avec exactitude. Il n’en est pas de même de la rédemption. La foi nous enseigne qu’elle a été nécessaire, efficace, et que le salut de l’homme en dépend. Il n’est guère possible et il n’est pas fort utile d’en savoir davantage. Les mots de sacrifice, d’expiation, de propitiation, de rachat, etc., ne font connaître que jusqu’à un certain point l’acte mystérieux qui a sauvé le genre humain, et ce devient une question impénétrable dès qu’on veut en faire une matière de science au lieu d’un article de foi. C’est un des points sur lesquels l’erreur est le plus difficile à éviter, et une des preuves de sagesse de l’église catholique est d’avoir peu encouragé l’examen de la question posée par le moyen âge sous cette forme : Cur Deus homo ? Les protestans ont été moins réservés, et l’atonement, comme disent les Anglais, l’atténuation, l’expiation est encore le sujet des recherches les plus ardues et des plus subtiles dissidences. Il semble, au premier abord, que rien ne serait plus important pour décider cette question que d’être fixé invariablement sur celle de la nature même, humaine ou divine, du médiateur,