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et justes à signer l’arrêt de damnation de ceux qui s’y refusent, est en soi une telle violence faite à la conscience, qu’on s’explique sans l’excuser le parti pris par tant d’honnêtes gens de recourir à l’expédient du jésuitisme pour se tirer d’un si mauvais pas ; mais depuis le réveil des sentimens religieux et surtout des controverses religieuses, on est devenu plus sévère. Il s’est élevé des scrupules et des critiques. On a trouvé moins simple de prononcer des anathèmes de style, d’adopter sans foi une profession de foi, et la discussion, portée sur ce point délicat, a visiblement embarrassé l’église. Les orthodoxes consciencieux ont reconnu que c’était donner trop d’avantage à l’incrédulité que d’imposer pour symbole un texte qu’on signe et auquel on déclare ne pas croire après l’avoir signé. Les amis de la tolérance ont trouvé odieux de fermer la carrière du culte ou de l’enseignement à ceux qui seraient trop sincères pour faire de la profession d’un dogme une mensongère formalité. On a reconnu que cette uniformité forcée de langage couvrait des apparences de l’unité la division et le conflit, — que, prise au sérieux, elle pouvait éloigner de la vigne du Seigneur des ouvriers aussi fidèles et aussi utiles que Leland ou Chalmers, et qu’enfin elle offrait un motif avouable, tout au moins un décent prétexte pour se séparer de l’église à ceux qui, pour se dispenser d’être chrétiens, n’ont qu’à dire qu’ils ne sont pas athanasiens. Ainsi la sincérité, la piété, la foi, trouvent une contrainte insupportable dans un règlement où la dissimulation, l’indifférence et le scepticisme trouvent un subterfuge. Ce qui a été établi en faveur de l’orthodoxie favorise l’in crédulité. Cette imputation d’incrédulité ne saurait être indistinctement adressée à tous les genres d’ariens, d’unitairiens, de sociniens. Il serait choquant de contester la sincérité chrétienne du savant auteur de la Crédibilité de l’Histoire de l’Évangile, de ce docteur Lardner, dont l’église romaine aime à invoquer l’autorité, et celle de Grotius n’a jamais été récusée par les sages amis de la religion ; mais on ne saurait soutenir que la liberté illimitée de penser n’ait jamais pris le voile officieux de la simple hérésie, et lorsque des écrivains unitairiens semblent faire cause commune avec Strauss et Feuerbach, lorsque la traduction du Cours de Philosophie positive de M. Auguste Comte figure dans les mêmes catalogues auprès des traités de Milton et de Clarke, de tels rapprochemens sont suspects, et compromettent le crédit moral de ceux qui semblent ainsi se cacher dans une confusion douteuse.

On doit comprendre par là, malgré certaines apparences, et quoi que les mots du langage évangélique se retrouvent sur presque toutes les lèvres, comment la controverse religieuse jouit au fond d’une grande liberté. Elle a l’air d’être parquée dans le cercle des sectes