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Page:Revue des Deux Mondes - 1856 - tome 5.djvu/506

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chrétiennes ; mais ce cercle est si large qu’il renferme la plus grande partie du domaine de l’esprit humain. Des opinions variées, des opinions extrêmes, moyennant quelques ménagemens de paroles, peuvent se produire dans la lutte et se mesurer presque sans contrainte. Non-seulement le dissent, comme on dit, embrasse tout et peut couvrir jusqu’à la négation intégrale, mais sous le pavillon de l’église même on peut abriter, en fait de systèmes, une véritable contrebande de guerre. Cette liberté donne quelquefois aux publications du clergé une valeur philosophique qui les rend plus propres à faire réfléchir les incrédules et à ébranler les doutes, voire les certitudes des purs rationalistes, que la redite monotone des décisions d’une autorité immuable et médiocre. En tout cas, limités même à la question purement temporelle des rapports de l’église et de l’état, les débats religieux ont pris en Angleterre depuis quelque vingt ans un intérêt et une portée qui leur mériteraient d’être plus connus.

On sait à peu près que l’Angleterre est un pays libre. Jusqu’où va cette liberté, on le sait moins communément. Cette foule de vieilles institutions, de vieux usages, ces noms historiques d’hommes et de choses, le caractère peu philosophique d’une législation qui ne pro clame aucun principe et qui se pique plus d’être sensée que logique, de satisfaire à la nécessité qu’aux idées, l’empire des mœurs qui prescrivent ou prohibent bien des choses indifférentes ailleurs, cette intolérance écrite encore dans le code de l’église et de la monarchie, tout cela persuade à beaucoup de personnes que la liberté anglaise n’est guère que la liberté politique, et que sous ce beau nom on cache uniquement le jeu stratégique des partis parlementaires, en voulant dire seulement qu’une arène est ouverte où le pouvoir est disputé. Ce n’est pas à nous de nier que cela aussi soit de la liberté, et ceux qui prêchent contre le gouvernement représentatif ne nous ont pas convertis ; mais indépendamment de l’existence et du pouvoir des deux chambres, il y a encore en Angleterre une liberté civile, pratique, dont tout le monde use sans bruit, sans effort, comme de l’air qu’on respire, et quand on pénètre dans la vie commune, on est surpris chaque jour de ce qu’on découvre de différence entre l’existence d’un sujet anglais et celle de l’habitant d’un pays bien administré. Croirait-on par exemple (et je ne cite pas cette singularité pour qu’on l’envie), croirait-on que dans cette Angleterre si prude, si célèbre pour le cant, où Byron et Shelley ne pouvaient pas vivre, parce qu’en effet l’opinion de leurs cercles était d’une âpre intolérance, il y ait eu (et il y a sans doute encore) une propagande d’athéisme, et il se soit ouvert de publiques conférences où le tenant s’est posé pour combattre à tout venant l’existence de Dieu ? M. Holyoake est un gentleman qui s’est donné la triste tâche