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Après avoir constaté cette liberté de discussion, il reste à montrer comment on en use. On a vu que le réveil de l’église au dernier siècle est dû à la question de la justification, première origine de la réforme. Les méthodistes dans le dissent et les évangéliques parmi les orthodoxes ont remis en vigueur les principes de Calvin. Le clergé officiel se montra d’abord indifférent ou dédaigneux. Libéral, il tenait pour un christianisme plus moral que dogmatique, fondé sur l’utilité plus que sur la vérité, et dont William Paley était l’apôtre. Conservateur, il ne semblait touché que du soin de défendre, d’accord avec le gouvernement, le matériel de son institution. Telles étaient à la fin du dernier siècle la haute et la basse église. Aujourd’hui il s’est formé une large église, broad church, qui par un côté touche à l’esprit réactionnaire, par l’autre à l’esprit réformateur. Elle attire tour à tour et repousse les dissidens suivant leur tendance. Hostile en même temps au rigorisme et au scepticisme, elle ne craint pas la controverse, et sépare peu la foi de la méditation et de la science. Une certaine philosophie religieuse s’est élevée dans son sein, et déjà elle a produit des écoles diverses dont les analogues n’existaient pas au dernier siècle ; mais avant d’en esquisser les caractères il faut remonter à leur origine, c’est-à-dire qu’il faut parler de l’Allemagne et de Coleridge.


XI

Le nom de Coleridge n’est pas inconnu parmi nous. On sait que c’est celui d’un poète qui fut un des astres de la pléiade des lakistes. La méditation en présence de la nature inspirait à cet esprit rêveur et profond des vers qui ne sont pas sans beauté, et qui émeuvent la pensée sans la charmer toujours. On sait moins communément qu’il était un éminent critique, un philosophe, un théologien, et que ses nombreux ouvrages en prose ont exercé sur la partie la plus sérieuse du public une influence qui subsiste encore. Les questions spirituelles ou temporelles qui intéressent l’église ne se discutent guère sans que son nom soit de nouveau prononcé, et le docteur Arnold, qui a lui-même joué dans l’Angleterre religieuse un rôle si important, a écrit plusieurs fois que Coleridge n’avait point laissé d’égal après lui. Il faut donc connaître un peu sa personne avant d’exposer ses idées.

Sa biographie serait curieuse et facile à rendre complète. Il a beaucoup écrit sur lui-même. Son fils et son neveu, en publiant ses mémoires littéraires et ses ouvrages posthumes, ont pris soin de le faire connaître. Dans les réminiscences, dans les lettres imprimées de ceux qui ont vécu avec lui ou avec Southey, son beau-frère,