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Page:Revue des Deux Mondes - 1856 - tome 5.djvu/517

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que religion et raison ne sont au fond qu’une même chose. Elle est pour saint Jean la lumière qui luit en chaque homme, elle est l’âme spirituelle de saint Paul. Et quelle différence même le langage ordinaire met-il entre l’homme spirituel et l’homme religieux ? Aucune.

Par rapport à la vérité abstraite, la raison est spéculative ; appliquée à la vérité actuelle, elle est pratique. La loi morale elle-même est apparemment quelque chose de suprasensible, qui ne se voit ni ne se touche, et son empire obligatoire est aussi une intuition purement rationnelle. La raison combinée avec le sentiment de la responsabilité est donc la source de ce que les hommes ont appelé la conscience. En elle se manifeste l’état d’accord ou de des accord de la raison et de la volonté, et quand l’accord est intime et constant, la raison devient le principe de l’homme régénéré. Tous ceux qui ont lu Kant savent comment il est possible de s’élever de la morale à la théodicée, grâce au lien qui unit l’idée d’une loi à l’idée d’un législateur. Or, une fois en possession de cette notion d’un maître moral de l’humanité, Coleridge, sans être plus indulgent que le philosophe de Kœnigsberg pour les démonstrations ordinaires de la théologie naturelle, entreprend d’établir deux choses : la première, c’est qu’indépendamment de l’Évangile la métaphysique ne peut concevoir Dieu que comme trinité ; la seconde, c’est que la seule existence du mal dans la nature humaine mène à concevoir la nécessité d’une rédemption. Nous devons dire que la première proposition est plutôt affirmée que démontrée. L’identité, qui se décompose en ipséité, en altérité et en communauté, aurait paru à Kant une conception gratuite que la raison ne peut légitimement s’imposer. Il ne se serait pas mieux accommodé d’une autre traduction de la même idée qui rappelle l’école d’Alexandrie, à savoir de l’adorable tetractys (nombre quaternaire) qui devient quelquefois pentade (quintenaire), mais qui n’est que le développement de la triade, laquelle, manifestée en Dieu, est la tri-unité du Père, du Fils et de l’Esprit saint, et comme idée abstraite, la formule universelle de toute vérité. Lorsque Coleridge emploie cette formule d’une manière générale, elle devient la prothèse, la thèse et la synthèse, amplifiées quelquefois par la mésathèse ou la mathèse [mathesis, science) et par l’antithèse. Ces mots n’auraient pas épouvanté Kant ; mais la théorie métaphysique l’aurait moins satisfait, d’autant qu’elle n’est nulle part régulièrement déduite. Il aurait eu moins d’objections à la seconde proposition, dont le développement diffère peu des stoïques considérations par lesquelles il a lui-même établi que le de voir, étant obligatoire, ne peut, par son accomplissement, effacer le mal antérieur, et que l’impossibilité d’expliquer ni de supprimer le mal autorise la pensée et l’espoir d’une divine assistance dont la forme est un mystère. Ces deux points admis, on conçoit que s’il est