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L’HISTOIRE ET LES HISTORIENS DE L’ITALIE.

tyran chassé, le peuple fit des concessions aux grands, en admit, sur leurs prières, une partie au droit de citoyen, les reçut dans le peuple : « il semblait, dit Pitti, que l’on n’avait plus à craindre de nouveauté ; » mais l’esprit factieux de quelques familles devait encore troubler cette harmonie. Cette fois, ce furent les guelfes qui, sous couleur de délivrer l’état des gibelins, se mirent à persécuter leurs ennemis, et acquirent une puissance qui mit de nouveau la liberté en danger.

C’est alors qu’on voit paraître ce nom de Médicis, qui devait être si funeste à la liberté. Silvestre de Médicis souleva le petit peuple contre l’usurpation de pouvoir du parti guelfe. Ainsi, comme presque toujours, un soulèvement de l’infime démocratie fut le premier germe de la tyrannie future. Le gonfalonier Guicciardini manqua de tête et de cœur, et le mouvement commencé par son prédécesseur Silvestre de Médicis alla plus loin que celui-ci n’aurait voulu. La populace fut maîtresse de Florence ; c’est ce qu’on appela les ciompi. Heureusement ces ciompi mirent à leur tête un homme à qui tous les historiens rendent justice, le cardeur Michel Lando, qui, dit Pitti, « avec autant de prudence que de valeur, émoussa toute cette rage. » « Ainsi, ajoute noblement le sénateur florentin, la vertu d’un homme de la plèbe la plus basse empêcha la ruine préparée par un patricien. »

Bientôt cependant ce gouvernement d’en bas devint violent et tyrannique, et à la tête d’une portion considérable du vrai peuple de Florence, les fabricans de drap (ce qu’on appelait l’art de la laine) déployèrent leur enseigne, l’agneau couronné avec la croix, et, appelant à eux les autres métiers principaux, ce qu’on nommait les grands arts, ils reprirent l’état sur les hommes de bas étage, dont un certain nombre de nobles s’étaient faits les chefs. Les Florentins eurent alors un moment de concorde et de sagesse. Ce vrai peuple de Florence, que Pitti n’oublie jamais, pensant que les grands étaient assez abaissés pour n’être plus à craindre, « fuyant l’une et l’autre extrémité, » se relâcha de la sévérité des exclusions qui pesaient sur les nobles et prit dans la plèbe ce qu’elle contenait de respectable pour le faire entrer dans le gouvernement. « Et, ayant ainsi satisfait à l’un et à l’autre parti, les citoyens s’appliquèrent à bien faire ; unis par l’amour de la patrie et par la crainte de leur ennemi, les Florentins se rendirent maîtres de Pise et d’Arezzo. »

C’est dans cette époque de prospérité qu’on voit reparaître l’astre des Médicis. Jean et son fils Cosme l’Ancien prennent en main, suivant la tradition de leur famille, les intérêts populaires. Le désir légitime de soulager les pauvres introduit une espèce d’impôt progressif, premier pas dans une route funeste, au bout de laquelle est le