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despotisme. L’orgueil des grands se soulève avec une violence féroce contre ces tentatives démocratiques. Ils veulent trancher la tête à Cosme, et l’exilent pour dix ans. Bientôt leur superbe et leurs excès font regretter Cosme et préparent sa puissance. Le fougueux chef du parti aristocratique, Renaud des Albizzi, prend les armes contre la seigneurie, qu’il croit favorable aux bannis ; mais il ne peut rien faire et quitte la ville plein de rage. On crée un gouvernement (balia) de trois cent quatre-vingts personnes, lequel rappelle Cosme. Ce gouvernement commence à agir révolutionnairement, déclare nobles des bourgeois et bourgeois des nobles. Portée par le flot démocratique, l’autorité de Cosme augmente jusqu’à sa mort.

On commençait à considérer le pouvoir comme héréditaire dans cette famille, et il est donné à Pierre, fils de Cosme. Pierre avait contre lui et les amis de la liberté et ceux, en plus grand nombre, qui voulaient la tyrannie pour eux-mêmes. Celui-ci, sans être un homme supérieur, « confondait ses ennemis par la facilité que donne, pour y parvenir, la puissance dans un seul homme ; il était surtout favorisé par la diversité des desseins et des partis contraires. » Cette phrase de Jacques Pitti me paraît digne d’être méditée. On attendait de part et d’autre le 20 août, jour de la nomination de la nouvelle seigneurie… Pierre ruse avec ses adversaires, les trompe et les endort. « Rien, dit notre auteur, ne fut plus funeste à ce parti que l’envie de beaucoup de citoyens considérables, peu amateurs de la république, qui aimaient mieux favoriser les Médicis et devenir leurs sujets que de voir quelque autre famille s’élever au-dessus des citoyens. » Les nouveaux magistrats, qui étaient des créatures de Pierre, « tendirent leurs filets pour prendre tous ceux qui étaient suspects à l’état, » c’est-à-dire à Pierre, qui conspirait contre la république. Son coup réussit.

Les deux fils que Pierre laissa en mourant, Laurent et Julien, bien que très jeunes, ne trouvèrent guère d’opposition à leur autorité, car cette opposition aurait eu peu de prise, dit Pitti, « dans une population plus curieuse des trafics privés que des affaires publiques. » Ces populations-là font peu de résistance, à ce qu’il paraît. Laurent, échappé seul au fer des Pazzi, plus puissant, ainsi qu’il arrive à la suite d’une conjuration qui a échoué, « put mieux disposer des armes et de l’argent de tous. » Il organisa une machine élective dans laquelle deux cents personnes élues par trente lui donnaient en résultat quarante sénateurs, « En les laissant se satisfaire à leur gré, Laurent les entraînait à faire tout ce qu’il voulait… Les deux cents se repaissaient de l’espérance d’être promus au sénat ; beaucoup d’autres cherchaient, par tous les moyens, la faveur de Laurent pour être aussi, à leur tour, introduits au pouvoir… » On voit que le Ma-