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les éloges sincères qu’il leur décerne, il ne peut jamais se résoudre à ménager la politique du clergé, et surtout sa prétention d’identifier son pouvoir avec celui de la religion même. Ennemi de toute distinction fondamentale entre l’église et la société, il disait en s’appropriant le mot de Sieyès : « Qu’est-ce que les laïques ? L’église moins le clergé. » Son vœu était donc moins pour un système de tolérance que pour un large système de compréhension qui renfermât dans le même cercle les épiscopaux et les dissidens, les ecclésiastiques et les laïques, sans imposer à aucun chrétien le sacrifice de sa croyance particulière.

Au fond, il ne regardait comme importante et juste qu’une seule division, celle des sociétés chrétiennes et des sociétés non-chrétiennes. Les premières avaient le même maître, elles pouvaient donc s’unir dans la même soumission en dépit des rédactions et des interprétations diverses de la science théologique. Il imaginait ainsi une combinaison qui réunirait tout, l’état, l’église, le peuple, et ne laisserait en dehors que ceux qu’il regardait comme de vrais étrangers, les juifs par exemple. Aussi ne put-il jamais approuver le projet de loi qui leur donnerait droit de siéger au parlement. Pour être conséquent, il aurait dû exclure également les déistes, les incrédules de toutes nuances, et il ne repoussait pas d’une manière explicite cette conséquence ; mais il espérait que les non-chrétiens deviendraient infiniment rares ou cesseraient d’être reconnaissantes, lorsque l’intolérance étroite de l’église ou des sectes et la politique exclusivement temporelle du gouvernement cesseraient de leur donner une raison d’exister. On voit qu’il était loin de regarder la religion comme un rapport individuel qui reste un secret entre Dieu et l’homme, ou d’adopter la doctrine de l’évêque Warburton et des whigs en général, qui bornent l’autorité du gouvernement à la gestion des intérêts matériels de la société. Il se rapprochait plutôt de la doctrine de Hooker, dégagée de tous préjugés épiscopaux, et il voulait spiritualiser le gouvernement et la société, au point que l’un et l’autre, chrétiennement constitués, fissent partie de l’église à aussi juste titre que le clergé. Il convenait bien que c’était là un idéal qu’on ne pourrait exactement réaliser, mais il aurait voulu qu’on le prît pour but invisible et qu’on marchât comme pour l’atteindre. Aussi, lorsqu’à partir de 1833 il vit à la suite des réformes politiques l’église attaquée avec tout le reste, il prit l’alarme, et jugeant une crise imminente si l’on ne se jetait hardiment dans la voie des nouveautés, il proposa la sienne, et fut aussi surpris qu’offensé de s’entendre accuser de plans chimériques, d’opinions latitudinaires, de tendances révolutionnaires. Une révolution, c’est ce qu’à tout prix il voulait éviter. Les chimères, il s’en croyait exempt, n’ayant ni goût ni aptitude pour la métaphysique spéculative, et il était si peu latitudinaire