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qu’il reprochait au clergé sa tiédeur, et trouvait qu’il avait laissé trop facilement se séculariser le gouvernement et la société ; « mais, disait l’archidiacre Hare, c’était un idoloclaste, à la fois zélé et hardi à démolir les idoles régnantes, et en même temps animé d’un amour plein de respect pour les idées que ces idoles étouffent sous une forme charnelle. »

Il y a peu de disposition d’esprit qui, plus que cette haute spiritualité, soit propre à choquer, à scandaliser et les sages et le vulgaire. Arnold l’apprit aux dépens de son repos. Ses écrits sur l’église, sur les besoins nouveaux de la société, provoquèrent contre lui une sorte de clameur. Ses amis se refroidirent ou s’effrayèrent. Toujours sans justice et sans scrupule, l’esprit de parti le calomnia. — Il corrompait la jeunesse, il faisait parmi ses élèves une propagande subversive ; l’école de Rugby était en déclin. — Rien de tout cela n’était vrai, bien au contraire. Sur le terrain de la pratique, Arnold était inattaquable. Là il avait l’habileté, la chaleur, l’énergie, la persévérance ; son administration commençait à porter les meilleurs fruits. Il le voyait, et il, n’en prenait que plus de confiance en lui-même. Pour avoir réussi dans le gouvernement d’un collège, il se confirmait dans la croyance que ses idées sur le gouvernement de l’humanité étaient justes. Les hostilités qu’il rencontra à cette époque de sa vie le blessèrent sans l’abattre. Il répondit à des jugemens iniques par des jugemens sévères. Les partis, les sectes, les écoles trouvèrent en lui un censeur rigoureux, et sa franchise n’épargna personne. Au même moment, l’université d’Oxford donnait naissance à la réaction anglo-catholique. C’était l’exagération même de cet esprit traditionaliste dont Arnold exagérait de son côté les abus et les dangers. Le newmanisme, comme il appelait cette doctrine du nom de son plus habile promoteur, n’eut pas d’adversaire plus déclaré que lui. Il ne cessa pas un moment d’y voir l’erreur la plus funeste au christianisme, et par suite au salut de la société. Il prit avec une vivacité plus qu’ordinaire la défense du docteur Hampden contre ses censeurs d’Oxford. En même temps qu’il se séparait de la Société des connaissances utiles, parce qu’elle voulait, pour ménager toutes les sectes, s’abstenir de rien publier sur la religion révélée, et de l’université de Londres, qui l’avait placé dans son conseil de surveillance, parce qu’elle ne consentait pas à rendre obligatoire l’enseignement de l’Écriture sainte, il n’épargnait aux prétendus héritiers par voie de transmission mystérieuse de l’autorité apostolique aucune des leçons que lui suggéraient la foi, la raison et l’histoire.

Il s’isola hardiment parmi ses contemporains. On voit par ses lettres que, pendant un temps, il eut à se défendre même contre ses amis. L’archevêque Whately, qu’il plaçait à la tête du clergé épiscopal