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du pays. Celui qui enfreindra cet ordre mourra ; navire et cargaison seront séquestrés. Tout Japonais revenant de pays étranger sera mis à mort.

« Celui qui arrêtera ou découvrira un prêtre chrétien recevra une récompense de 400 à 500 lingots d’argent (de 10,000 à 12,000 fr.), et en proportion pour chaque chrétien.

« Tous ceux qui propageront le christianisme ou qui portent le nom infâme de chrétien seront arrêtés et emprisonnés.

« La race entière des Portugais, avec leurs femmes et leurs enfans, sera bannie… Aucun noble ni soldat ne pourra rien acheter à un Européen. »

Malgré ce terrible arrêt, les Portugais trouvèrent moyen de rester encore deux ans au Japon, rigoureusement surveillés, il est vrai, mais se flattant toujours d’un retour de fortune, entretenant de secrètes intelligences avec l’intérieur du pays, et poussant sans cesse les malheureux Japonais à l’insurrection. La fatale révolte religieuse d’Arima et de Simabarra, qu’ils suscitèrent, et qui acheva l’extermination des derniers chrétiens japonais, entraîna du même coup l’expulsion irrévocable et définitive des Portugais en 1639.

Il est bien difficile d’indiquer exactement la valeur des opérations commerciales des Espagnols et des Portugais pendant leur séjour au Japon ; mais, en prenant les plus sûres données pour base, on peut admettre qu’ils emportèrent de ce pays, dans les soixante années qui précédèrent leur expulsion, pour beaucoup plus d’un milliard en or ou en argent. D’après Kaempfer, dont l’opinion a aussi une grande autorité, on pourrait presque tripler cette somme et la porter, à 2 ou 3 milliards. Les bénéfices énormes que d’une part ils tiraient de la liberté de leurs transactions avec le commerce intérieur, de l’autre de la faculté des retours en or et en argent, expliquent assez tout le prix que les Portugais attachaient à la conservation de leurs privilèges.

Le gouverneur de Macao le comprit si bien, qu’il envoya en 1640 à Nagasaki une députation composée de soixante-treize personnes, qui furent immédiatement arrêtées. Soixante furent publiquement décapitées sur l’ordre de l’empereur ; les treize autres, qui ne professaient pas le christianisme, repartirent par le même navire pour en porter la nouvelle à Macao avec cette affreuse menace, « que si le Dieu des chrétiens lui-même osait mettre le pied sur le territoire japonais, il subirait le même sort. » Une seconde députation revint en 1647 de la part du nouveau roi de Portugal. Les ordres de l’empereur furent plus démens cette fois. Ils enjoignaient aux Portugais de repartir sans retard, et leur défendaient en même temps, sous peine de mort, de jamais reparaître sur le territoire du Japon. Depuis