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et demandant l’envoi de vaisseaux armés pour soutenir un mouvement prochain, la révolte d’Arima et de Simabarra, qui coûta la vie à plus de trente mille personnes, tout enfin devait conduire le gouvernement japonais aux mesures de prudence et de conservation qui ont fait depuis plus de deux siècles la prospérité de ce peuple. Il faut donc reconnaître que si les Portugais se fussent bornés aux intérêts de leur commerce et à la propagation pure et simple de leur foi sans attaquer les institutions politiques de l’empire, le Japon serait probablement aujourd’hui le pays le plus accessible, le plus hospitalier et peut-être le plus chrétien du monde. La charte éminemment protectrice accordée aux Hollandais en 1611 quand déjà tout ce qui était étranger devait paraître suspect, la tolérance et la patience de l’empereur après les édits de 1637, suivant lesquels tout Portugais aurait dû fuir ou mourir, et dont ces derniers abusèrent pendant trois ans encore pour ressaisir par la ruse et l’intrigue leur influence fatalement perdue, tout démontre suffisamment que les Japonais n’adoptèrent leurs terribles mesures qu’à la dernière extrémité.

Et si les Japonais avaient quelque envie de revenir aujourd’hui sur ces mesures, la lecture des journaux américains suffirait pour la leur ôter. Ils y verraient « qu’il faut à tout prix aller demander raison ou vengeance à ces barbares Japonais des outrages faits à nos nationaux. » De quels outrages parle-t-on ? Serait-ce par hasard des prétendues promenades dans des cages, ou bien de la contrainte (à laquelle les étrangers seraient assujettis) de profaner en la foulant aux pieds l’image du Christ ? On a fait justice depuis longtemps, je suppose, de pareilles impostures. Les Japonais peuvent lire dans un écrit de M. Levyssohn, ancien opperhoofd, publié en Hollande en 1852, une lettre de New-York, reproduite par le Times du 8 avril 1852, où il est dit que les vues des Américains « doivent se porter à l’avenir vers les vieux rivages de l’Asie, que leurs idées envahissantes les y poussent, que le tour du Japon est venu, et que le second acte de leur république se jouera dans ces contrées avec de la poudre à canon. « Les Japonais savent peut-être que le commodore Perry avait débarqué du monde pour employer la force au besoin, et que ses navires étaient prêts à foudroyer le rivage, si on eût repoussé ses propositions.

La dernière tentative faite par la Russie, en 1853, simultanément avec l’expédition des États-Unis, paraît avoir réussi, et l’empereur du Japon aurait fait, dit-on, une réponse très favorable. M. Siebold l’assure[1], et M. Siebold, en ces matières, a une grande autorité.

  1. Voyez un écrit de M. Siebold publié à Bonn en 1854.