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L’HISTOIRE ET LES HISTORIENS DE L’ITALIE.

parmi nous, non pour la restauration de l’Italie, mais pour le renouvellement de la servitude. »

Si nous sortons de la Toscane et si nous entrons dans les États-Romains, nous trouvons Pérouse. En tête des chroniques italiennes qui racontent l’histoire de Pérouse, on a placé des fragmens d’un poème en vers latins, dont sauteur est un certain Boniface de Vérone, favori de Rodolphe de Hapsburg. Ce poème, intitulé Eulistea, du nom d’un fabuleux fondateur de Pérouse, grand ennemi des Troyens, est consacré à raconter les luttes de la ville de Pérouse avec quelques autres villes, et surtout son triomphe sur Foligno. Les vers sont très plats, entremêlés de fragmens écrits dans une prose barbare, que rend encore plus étrange l’incorrection du manuscrit, reproduite trop fidèlement dans le texte, mais qui ne manque pas d’une énergie sauvage. L’acharnement des guerres de ville à ville y est exprimé avec une certaine férocité de style. À propos d’un combat avec ceux d’Agubbio[1] : « le Pérousin est transporté, enivré de la rage de la guerre !… Tout champ est horriblement baigné de sang… Ceux qui montent sur les arbres en sont précipités, ceux qui se cachent dans les broussailles y sont égorgés. » C’est comme un chant ou plutôt une psalmodie sombre entonnée sur le cadavre des vaincus. Diverses chroniques de Pérouse sont placées à la suite de l’Eulistea : l’une, qui sans aucune bonne raison porte le nom de Graziani, est une compilation puisée curieusement à dire rses sources, annotée par M. Polidori, à laquelle M. Fabretti a ajouté sept supplémens, et que M. Bonaini a fait précé der d’une histoire de la commune de Pérouse. On y voit ses premières guerres du xie siècle avec les villes voisines, Chiusi, Cortone. Assise, sodi, l’apogée de sa puissance au xii- siècle quand elle était gouvernée tour à tour par ses dix consuls et son corps municipal ou par un podestat, choisi hors de la ville, selon l’usage de ces républiques. Les droits municipaux de Pérouse et son autorité sur son territoire furent proclamés par l’empereur Henri IV, et des droits encore plus étendus lui furent reconnus par le pape Innocent III, à cette condition que les gens de Pérouse s’engageaient à faire pour les papes un service militaire. Puis viennent les éternelles divisions des nobles ou chevaliers, pars militum, et des piétons ou bourgeois, pars peditum ; les passions que ces luttes faisaient naître étaient si puissantes, qu’on voit les chefs des nobles, en faisant alliance avec les habitans de Città di Castello et d’Agubbio, insérer dans le ur convention cette clause singulière : que ceux-ci ne se feront et ne se laisseront jamais relever de leur promesse par une puis-

  1. Illic bellandi lymphatione Perusinus arripitur, inebriatur… Ager omnis cruore madescit horribili, ascendentes præcipitantur arboribus, trucidantur et latentes arbustis.