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Maximilien II demanda aux Lucquois 70 000 écus pour faire la guerre aux Turcs. C’était une de ces demandes exorbitantes qu’on fait pour se rabattre ensuite avec succès sur un arrangement beaucoup plus modeste. La république offrit 12 000 écus seulement, dont 8 000 en argent comptant. L’empereur avait paru d’abord s’en contenter ; mais il fallut payer le reste.

L’intérêt qui s’éteint depuis que la liberté en Italie est presque partout remplacée par la tyrannie et son indépendance violée ou menacée par l’étranger, l’intérêt se ranime un moment en présence d’une tentative téméraire et avortée, mais généreuse, celle de François Burlamacchi, qui conçut le projet d’appeler à la liberté les villes de la Toscane alors au pouvoir du grand-duc de Florence, Cosme Ier, de les unir par une fédération avec les deux républiques toscanes qui existaient encore, Lucques et Sienne. Il voulait aussi dépouiller le clergé de ses biens et enlever au pape le pouvoir temporel. C’est que Lucques semble avoir été un des points de l’Italie où les idées de la réforme avaient surtout pénétré. Plusieurs citoyens considérables se réfugièrent à Genève pour fuir les persécutions que soulevait contre eux dans leur patrie l’humeur intolérante de Paul IV. Le gouvernement lucquois, avec une honorable énergie, repoussa constamment l’intervention du saint-office dans les procédures en matière de foi ; mais, cédant aux instances du pape, qui accusait certains négocians lucquois de propager les doctrines et les écrits des hérétiques, il finit par prendre contre ceux-ci des mesures assez vives, entre autres par leur interdire l’Espagne, la France, le Brabant et tous les lieux où il y avait d’autres marchands lucquois, décernant des récompenses et l’exemption de la peine capitale encourue pour d’autres faits à qui tuerait à l’étranger les contrevenans. Le pape Pie IV approuva la mesure dans un bref qui y fut joint ; j’en suis fâché pour Pie IV.

La république de Lucques, devenue aristocratique comme Gênes et Venise, survivait à toutes les républiques de la Toscane vers la fin du dernier siècle ; alors elle se trouva en présence d’une autre république qui respectait peu les constitutions du moyen âge. Celle-ci commença par adresser à sa pauvre vieille sœur des demandes d’argent dignes de Charles-Quint. Le général Serrurier entra dans Sienne, exigea d’abord 5 000 sequins, puis frappa la noblesse d’un impôt de 2 millions, et enfin fit séquestrer tout l’argent comptant qui se trouvait dans les caisses publiques, sans excepter les monts-de-piété et les hôpitaux, disant que c’était la propriété de la France. L’auteur ajoute tristement et sagement : « Tels sont les fruits de l’invasion étrangère. » Et il termine ainsi la conclusion de son histoire : « Laissant de côté tout ce qu’on pourrait dire de favorable ou de contraire aux hommes et aux choses qui ne sont plus, je déplorerai seulement qu’un si grand bouleversement d’état se soit opéré