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Page:Revue des Deux Mondes - 1856 - tome 5.djvu/704

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et, en consacrant la mémoire de celui qui avait fondé le pouvoir absolu, devenu son partage, faire acte de souverain. L’empire naissant semble s’épanouir dans le puissant feuillage qui orne les trois magnifiques colonnes encore debout ; mais l’exquise sobriété propre à l’architecture de la république subsiste, cachée pour ainsi dire dans l’ornementation intérieure du péristyle, comme un souvenir obscur, une tradition voilée de la république se cachait parfois au fond des âmes éblouies par la magnificence de l’empire. Si l’architecture romaine au temps d’Auguste nous montre comme un vestige de l’âge qui avait précédé, à plus forte raison nous enseigne-t-elle l’esprit de l’âge qui l’a vue naître, c’est-à-dire l’esprit d’Auguste, qui était tout. L’histoire monumentale de son règne en révèle très clairement les principaux artifices.

Le premier, celui qu’il lui importait le plus d’employer, ce fut de rattacher autant que possible son pouvoir et sa fortune au pouvoir et à la fortune de César. Auguste s’était glissé à l’empire à l’ombre de ce grand nom. Sa politique fut de continuer César en toute chose, sauf dans les desseins qui étaient trop vastes pour lui. César, quand il mourut, avait formé un plan immense : il voulait, à force de gloire, se faire pardonner son crime contre les institutions de son pays, ébranlées longtemps par ses intrigues et enfin renversées par ses armes ; il avait résolu d’aller sur les pas d’Alexandre jusqu’au cœur de l’Asie ; après avoir soumis les Parthes et vengé Crassus, il devait revenir en prenant à revers, d’orient en occident et du nord au midi, les populations barbares qui pouvaient menacer l’empire. Si César eût exécuté le grand dessein qu’il avait formé, s’il eût établi dans ces contrées des colonies d’où peu à peu se serait étendue l’influence de la civilisation romaine, comme elle s’étendit si rapidement dans les Gaules, peut-être les invasions des Barbares eussent été prévenues, et Rome eût été sauvée. Auguste n’était pas de taille à accomplir une telle entreprise. Il se borna, pour marcher sur les pas de César, à projeter une expédition en Angleterre. En fait de travaux d’utilité publique, les plus grandes conceptions de César furent abandonnées : l’assainissement des Marais-Pontins et ces deux travaux immenses, le port d’Ostie et l’émissaire du lac Fucin, dont César avait eu l’idée, et qu’un empereur dont on n’aurait pas attendu de si grandes choses, Claude, devait exécuter. Auguste ne fit rien de tout cela. Il était plus facile de continuer l’œuvre de César en construisant les monumens que César avait conçus, en terminant ceux que César avait commencés. Ainsi César avait résolu d’élever un théâtre adossé à la roche Tarpéienne et regardant le Champ-de-Mars : il voulait probablement, par cet édifice rival et plus grand, mettre dans l’ombre le théâtre de Pompée. Auguste construisit ce théâtre à peu près à l’endroit où César avait voulu le placer : c’est celui