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auquel il donna le nom de Marcellus, et dont on admire encore un grand débris. Cependant il ne l’adossa pas à la roche Tarpéienne, comme César avait projeté de le faire, à l’imitation des Grecs, chez lesquels c’était un usage presque constant d’appuyer leur théâtre à quelque élévation naturelle.

Auguste acheva la basilique que César avait commencé à bâtir, et qui porta le nom de Julia. Il y a quelques années seulement, on a reconnu l’emplacement et retrouvé le pavé en marbre de cette basilique. C’était le plus grand monument du Forum. Il appela aussi Julia la curie qui s’était nommée autrefois Hostilia, et qu’il reconstruisit. L’histoire de ce monument était depuis longtemps liée à l’histoire des partis. Restauré par Sylla, il avait été brûlé par les amis de Clodius lors de ses funérailles, relevé par le fils de Sylla, démoli par Lépide, qui voulait qu’il y eût une curie qui s’appelât Julia, car lui aussi, le comparse du triumvirat, eût aimé à se couvrir du nom de César. Auguste, mêlant le souvenir des anciens triomphes de la république avec celui de ses propres triomphes, plaça dans la curie reconstruite une image de la Victoire rapportée autrefois de Tarente, et qu’il décora des dépouilles enlevées à l’Égypte après la bataille d’Actium. C’était, dit Dion Cassius, pour montrer qu’il devait son empire à la victoire. En revanche, Auguste fit obstruer la curie de Pompée, dans laquelle César avait été tué, et plus tard la changea en un lieu immonde. Ignoble vengeance !

Le bassin que César avait fait creuser, pour des joutes navales, sur la rive droite du Tibre, où étaient ses jardins, ce bassin dont on peut encore suivre en partie le vaste ovale, et qu’on avait comblé après les présages menaçans et les désordres de la nature qui suivirent la mort de César, fut rendu, quand on crut apparemment être à l’abri des mauvais présages, à sa destination première, et devint la naumachie d’Auguste. Auguste se serait bien gardé de ne pas donner aux Romains un nouveau genre de spectacle que César leur avait offert le premier. On voit dans ces divers monumens Auguste accomplir ou continuer une pensée de César toutes les fois que cette pensée est à sa mesure. Le règne d’Auguste est là tout entier.

César avait eu aussi l’intention d’élever un grand temple à Mars. Un tel dessein convenait à l’intrépide et prodigieux capitaine ; nous verrons bientôt qu’il allait moins bien à Auguste. Cependant il érigea le temple et le dédia à Mars Vengeur. C’était se rattacher doublement à César, d’abord en exécutant un monument projeté par celui-ci, ensuite en le consacrant à la vengeance accomplie sur ses meurtriers. Venger la mort de César était un des motifs que mettait le plus volontiers en avant le fourbe Octave pour couvrir ses plans ambitieux d’une apparence de sentimens désintéressés et s’attirer la sympathie et la popularité.