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Page:Revue des Deux Mondes - 1856 - tome 5.djvu/749

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ou talmudiste, qui se rattache étroitement à la tradition des rabbins ; l’autre, plus libéral, qui, tout en adhérant à la loi de Moïse, cherche plus ou moins à secouer le rigorisme des traditions orales. Pour celui-ci, les prescriptions bibliques sont outrepassées dans les prescriptions talmudiques. Quelques rabbins au contraire affectent de préférer l’autorité de la loi orale à celle de la loi écrite. « Les saintes Écritures, disent-ils dans leur langage métaphorique, sont une eau fraîche ; mais le Mishna est du vin et le Gemara du vin raffiné. » Quant aux sectes qui divisaient autrefois le mosaïsme, elles se sont peu à peu effacées dans l’exil. Celle des sadducéens par exemple, qui formaient un parti nombreux et puissant, a disparu depuis la chute de Jérusalem[1]. Les karaïtes, qui ne reconnaissent que l’autorité des Écritures, existent encore, mais ils forment une minorité insignifiante[2]. Une seule de ces sectes est restée debout, c’est celle des pharisiens. L’impartialité m’oblige à dire que les Juifs n’acceptent point le jugement porté par les évangélistes sur le caractère des pharisiens, ces conservateurs de la loi. « Les évangélistes, disent-ils, se rattachaient par leur maître à la secte des esséniens, ils étaient les adversaires naturels de ceux qui avaient résisté à la nouvelle doctrine ; ils devaient par conséquent couvrir le pharisaïsme des plus noires couleurs. » Quand on lit avec attention l’Évangile, on voit d’ailleurs que Jésus-Christ, tout en reprochant aux pharisiens leur orgueil, leur affectation de sainteté, leur attachement étroit et hypocrite à la lettre de la loi de Moïse, ne leur refuse point de grandes lumières. Ils formaient sans contredit l’aristocratie intellectuelle de la nation. On doit donc s’attendre à ce que leur doctrine et leur influence se retrouvent dans les synagogues modernes.

  1. Un juif portugais voulut ressusciter en Hollande la secte des sadducéens, qui negabant resurrectionem mortuorum, dit l’Évangile. La synagogue d’Amsterdam fut alors le théâtre du plus violent conflit qui ait peut-être jamais éclaté au sein du judaïsme moderne. La secte des pharisiens résista opiniâtrement à la doctrine dissidente. Les magistrats civils s’en mêlèrent et commencèrent une instruction judiciaire contre un ouvrage dans lequel Uriel da Costa, le chef du nouveau sadducéisme, niait l’immortalité de l’âme. Les exemplaires furent saisis, et l’auteur condamné à payer 300 florins d’amende.
  2. Les karaïtes ou karaïmes sont particulièrement répandus en Crimée. Les Archives israélites ont donné récemment sur la condition de cette secte des renseignemens authentiques qu’elles doivent au ministère de la guerre. C’est M. le général de Martimprey, chef de l’état-major général de l’armée d’Orient, qui s’est chargé de transmettre à M. Cahen ces notes curieuses, recueillies par le commandant Baudouin, chef du service des renseignemens militaires aux avant-postes. Les karaïtes jouissent en Crimée d’une grande réputation d’intégrité : il est aussi probe qu’un karalte est une formule populaire. Comme les Israélites libéraux, les karaïtes reconnaissent l’autorité des Écritures, de préférence à la tradition orale ; mais les derniers s’attachent plus à la lettre, les premiers sont plus spiritualistes.