Aller au contenu

Page:Revue des Deux Mondes - 1856 - tome 5.djvu/748

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

lois, l’une écrite, l’autre dite orale. La première a été dictée (c’est un de leurs articles de foi) par Dieu même à Moïse ; la seconde se compose des traditions de la race, de discussions et de décisions théologiques. Après la prise de Jérusalem par Titus, un grand nombre d’Israélites s’étaient établis à Tibérias, en Galilée : ils y tinrent un concile. Tibérias devint alors une seconde Jérusalem. Là, au lieu d’un édifice de pierre dont la restauration n’avait d’ailleurs pas cessé d’être l’objet des espérances et des prières constantes de la race, quelques ouvriers s’employèrent à la construction d’un autre édifice, qui se maintient encore debout après plusieurs siècles : je veux parler de la rédaction de la loi orale. Cette loi, comme l’indique son nom, n’était point destinée originairement à subir l’épreuve de l’écriture, elle devait être confiée à la mémoire de certains hommes : Moïse était censé l’avoir communiquée à Josué, et ce dépôt avait ainsi passé intact de génération en génération ; mais le centre de la nation étant détruit, les études décroissant, et les Juifs se voyant dispersés sur la terre, il était à craindre que les traditions ne se perdissent, si l’on ne se hâtait de les recueillir dans un livre. La première idée de cette entreprise paraît avoir été conçue par le rabbin Akiba ; mais l’opinion générale des Juifs attribue le plan et l’exécution de cette œuvre gigantesque au rabbin Juda, le sacré, le saint (hakkadosh), comme on l’appelle, ou encore par excellence le rabbin. Né au temps d’Adrien, il occupait dans la Palestine la dignité de nasi (prince de la captivité) ; il était la tête spirituelle des synagogues du pays. Vers l’an 190, il fit une collection de toutes les ordonnances traditionnelles, qu’il appela le Mishna ou seconde loi. Le Mishna contient les préceptes que, selon la légende des rabbins, Moïse a reçus de la bouche de Dieu durant les quarante jours qu’il passa sur la montagne. Le livre, divisé en six traités, est écrit d’un style concis, le plus souvent sous la forme d’aphorismes. La loi orale, fixée, arrangée, commentée, devint, grâce à ce monument écrit, une sorte d’encyclopédie religieuse et nationale. Le Mishna parut néanmoins obscur à certains rabbins, qui voulurent éclaircir le texte par des commentaires plus ou moins ingénieux. Ces commentaires ont été réunis plus tard sous le titre de Gemara (complément). Les deux livres, le Mishna et le Gemara, forment ce qu’on appelle le Talmud. La majeure partie des Juifs modernes témoignent pour le Talmud une profonde vénération. Sans partager leur foi religieuse, on peut bien reconnaître que le Talmud est un monument curieux, avec de grandes proportions de poésie biblique mêlée à d’étranges puérilités. Ce livre est surtout intéressant au point de vue historique ; il jette une vive lumière sur les mœurs, les coutumes, les antiquités et les relations sociales des Juifs.

Il existe aujourd’hui parmi les Juifs deux partis : l’un, orthodoxe