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Page:Revue des Deux Mondes - 1856 - tome 5.djvu/751

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qui, après dix-huit ans, vivent sans raison majeure dans le célibat sont vus avec peine par les rabbins. La polygamie est sanctionnée par le Talmud ; mais un concile d’Israélites, tenu dans le Xe siècle, a aboli cet usage, qui ne se trouve d’ailleurs plus en harmonie avec la loi civile ou religieuse des états de l’Europe. Les cérémonies du mariage hébraïque ressemblent beaucoup aux cérémonies du mariage chrétien ; le voile de la fiancée, la présentation de l’anneau conjugal, l’espèce de dais ou de poêle sous lequel s’accomplit l’union sacrée, tout cela annonce entre les deux cultes une communauté d’origine. Il y a néanmoins un détail intéressant et propre au rit hébreu : l’homme et la femme boivent l’un après l’autre dans le même verre, après quoi le nouveau marié brise le verre en éclats, par allusion, selon les uns, à la fragilité de la vie, selon d’autres, en souvenir de la destruction du temple. Les cérémonies funèbres occupent une assez grande place dans ce culte, qui a longtemps gardé le silence sur la vie future. Quand un Juif meurt, on veille le corps, on le lave à l’eau pure, et l’on place un cierge allumé dans la chambre mortuaire. Le mort, revêtu de son habit de religion, le talleth[1], est ensuite placé dans le cercueil, qui reste ouvert. Une cérémonie qui n’est point sans grandeur, et dont l’origine se perd dans la nuit des temps, s’accomplit alors au milieu d’un religieux silence : les amis, les parens, s’approchent l’un après l’autre du défunt, et implorent son pardon pour les offenses dont ils ont pu se rendre coupables envers lui. Le nom du cimetière juif est bien propre aussi à élever l’âme ; il s’appelle Beth Chajim, maison des vivans, traduisant ainsi énergiquement le dogme de la vie future. Les rangs, les distinctions disparaissent dans cette commune et dernière demeure : les Juifs n’admettent point de luxe dans les cercueils, dans les tombeaux ; point d’architecture sépulcrale aux lieux où repose simplement la poussière dans la poussière. C’est tout au plus si les tombeaux de grands rabbins se distinguent par une élévation de terre couverte d’une dalle portant une inscription en leur honneur.

Dans toutes les grandes villes de la Hollande, les Juifs ont un cimetière particulier. À La Haye, ce cimetière se trouve hors de l’enceinte de la ville, à droite du chemin qui conduit vers Scheveningue ; il est enclos d’un mur de briques et ombragé par les grands arbres de cette charmante promenade. Une poignée de terre, que l’on dit avoir été apportée de la Palestine, est placée dans un sac sous la tête du mort, ou répandue sur ses yeux, pour qu’il puisse dormir du sommeil de ses pères et dans le souvenir de la patrie. Quand la

  1. Cet habit est décrit et ordonné par Moïse : « Parle aux enfans d’Israël et dis-leur de porter des franges au bord de leurs vêtemens, et sur ces franges un ruban bleu. »