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fosse est recouverte, les assistans se retirent en silence. À ce moment, dit une tradition ancienne, un ange descend et frappe sur les planches de la bière ; il demande au trépassé quel est le passage des Écritures saintes qui se rapporte à son nom[1] ; si le mort ne répond point, l’ange s’éloigne tristement. Je me hâte d’ajouter qu’on peut être très bon Juif et ne croire à aucune de ces fictions, qui sont purement traditionnelles. L’esprit et le sens de la légende sont d’ailleurs très transparens ; les rabbins ont voulu par là obliger les Juifs à la lecture et à l’étude de la loi. Après la cérémonie de l’enterrement, les plus proches parens rentrent chez eux, et alors seulement ils rompent le jeûne qu’ils ont dû observer depuis le matin des funérailles. Les lois qui concernent le deuil sont très sévères. Une des expressions de la douleur, en usage chez toutes les nations de l’antiquité, consiste pour l’homme à déchirer ses vêtemens ; les Juifs pratiquent encore cette lacération. Pendant sept jours, l’Israélite soumis au deuil ne doit se livrer à aucune affaire ni à aucune transaction commerciale ; il s’abstient du rasoir et de toute toilette ; assis sur une chaise moins élevée que de coutume, il reçoit les condoléances des visiteurs. Ces pratiques étonnent ; mais quand on songe que c’est en grande partie à l’observation de tels usages que la race juive doit sa perpétuité, on admire la politique de Moïse, et après lui la politique des scribes, qui ont voulu isoler Israël au milieu des nations anciennes et modernes, en l’enveloppant de ses traditions comme d’une armure.

Dégagée de ces superstitions, de ces rits et de ces ordonnances rabbiniques, la religion des Juifs modernes ne manque pas d’élévation. Il existe treize articles de foi auxquels tout bon Israélite doit adhérer. Les Juifs croient à un Dieu unique et indivisible, créateur de l’univers, aux récompenses et aux châtimens de l’autre vie, à la venue d’un Messie, à la résurrection des morts. Une science cultivée par quelques adeptes en dehors de la religion proprement dite est la cabale, sorte de théosophie orientale où, à travers beaucoup de ténèbres, percent quelques rayons de sublime lumière[2]. Il existe à Amsterdam deux séminaires israélites : l’un, créé par les Juifs portugais du XVIIe siècle ; l’autre, destiné aux Juifs allemands, et qui est d’une date plus récente. Quelques élèves remarquables sont sortis de ces pépinières de jeunes lévites, établies à Amsterdam depuis la

  1. Je suppose par exemple que le mort s’appelle de son nom de religion Abraham, sa réponse doit être : « Vous êtes le Seigneur, le Dieu, vous qui avez choisi Abraham et qui l’avez amené d’Ur, en Chaldée… »
  2. Le principe fondamental de la cabale judaïque est que toutes les existences sont des émanations de Dieu ; l’évolution et l’expansion de cette substance divine constituent l’univers.